Ferhat Abbas a subi l'insupportable à la libération de son pays.» C'est ainsi qu'a résumé Mme Leïla Ben Mansour le sort réservé à celui qui fut le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Le débat-hommage, organisé hier au centre d'El Moudjahid et auquel ont assisté de nombreux combattants de la guerre de Libération nationale ainsi que des membres de la famille de Ferhat Abbas, a été une occasion pour évoquer la vie et le parcours de Ferhat Abbas. Mme Ben Mansour a appelé l'Etat algérien «à corriger l'histoire par un discours officiel» pour réhabiliter ce personnage dont le nom est intimement lié à l'histoire du mouvement national et à la guerre de Libération avec toutes ses contradictions. Pour l'intervenante, «ce sont les ennemis de la démocratie et du progrès qui ont enterré son histoire». Retiré de la vie politique après deux ans d'internement à Adrar par le pouvoir de Ben Bella, Ferhat Abbas est resté très sensible aux tourments qui ont agité le pays. «Vers les années 1980, il exprimait son inquiétude particulièrement du sort réservé à la jeunesse. Il avait fait deux constats, la négligence de la science et l'instauration de l'Etat providence qui ont déshabitué les Algériens au travail», a révélé Mme Ben Mansour. Bien avant cela, en 1976, à l'occasion de la charte nationale de Boumediène, le premier président de l'Assemblée constituante, Ferhat Abbas, avait signé «un appel au peuple algérien» avec d'autres figures nationalistes, Hocine Lahouel, Benyoussef Ben Khedda, revendiquant «des mesures urgentes de démocratisation du pays et dénonçant le pouvoir personnel de Boumediène». Une position qui lui a valu, une nouvelle fois, une assignation à résidence surveillée jusqu'à juin 1978, a rappelé l'intervenante. De son côté, l'universitaire Ameur Benkhoudja a rappelé le parcours politique de Ferhat Abbas à partir du mouvement national depuis les années 1930. «Il avait joué un rôle central dans le ralliement de nombreux intellectuels français à la cause algérienne grâce à son esprit libre et à son sens universel de son combat», a fait savoir Benkhodja. Longtemps banni de l'histoire officielle du pays après l'indépendance et souvent son long parcours est réduit sciemment à l'«assimilation avec la France», Ferhat Abbas a connu «une évolution croissante dans ses idées», a indiqué Mohamed El Korso, chercheur en histoire, lors de son intervention. Il a précisé que Abbas «n'a jamais été un Français, comme le certifient les fichiers de la police française».