La corporation des médecins privés de la wilaya de Ouargla semble sceptique quant à l'application de la convention du médecin traitant. Il en est de même pour le Conseil régional de l'Ordre des médecins du Sud-Est. Conviés dimanche soir par la CNAS à une séance d'information sur ce nouveau dispositif dont Ouargla constitue la 22e wilaya hôte, ils ont exprimé un niet catégorique à une politique incompatible avec la réalité du terrain. «Il est intolérable que l'Etat ne puisse pas injecter des fonds dans l'amélioration qualitative de la médecine après s'être permis tant d'échecs dans les différents plans quinquennaux, alors qu'une médecine et une éducation de qualité sont les garantes d'une société saine sur la voie de la modernité», estime le docteur Boulehouache, chirurgien orthopédiste, qui s'insurge contre la teneur de cette convention, estimant qu'«il est grand temps pour le pays de s'inspirer des modèles de réussite tels que le système suédois, deux fois plus économe que le français et bien plus efficace». Pour le docteur Benakzouh, gastroentérologue, «la solution aux problèmes de la santé en Algérie est loin d'être une simple convention, celle-ci en particulier instaure une lourdeur administrative». L'instauration d'une limitation des honoraires et de spécialités directes, où les patients ne passent pas par un généraliste, n'a pas de sens, à son avis. Le docteur Benmansour, pédiatre, estime pour sa part que «les honoraires imposés par la convention sont irraisonnables et l'incitation à la prescription de médicaments génériques de fabrication locale est juste inadmissible». Enumérant des cas concrets rencontrés dans son cabinet, le praticien termine son intervention par un «je préfère prescrire des médicaments non remboursables et efficaces que de voir mes patients souffrir alors qu'ils sont supposés être sous traitement remboursable mais inopérant». Pour le docteur Benseghir, pédiatre lui aussi, «il y a lieu de réviser la tranche d'âge des enfants admis en consultation directe, donc d'urgence. La limitation de 0-6 ans doit passer à 0-18 ans afin de s'aligner sur le reste du monde». Il ajoute par ailleurs qu'«il y a lieu, pour l'Algérie de se mettre au diapason, notamment en matière de spécialisation des pédiatres puisque 99% des pédiatres sont généralistes alors que la tendance actuelle est à la spécialisation au sein même de la pédiatrie». Le Conseil de l'Ordre des médecins de la région de Ghardaïa, couvrant le sud-est du pays, a eu aussi son mot à dire. Le docteur Gaceb, médecin légiste à l'hôpital de Ouargla et président du Conseil, salue l'implication de la base dans le débat et se positionne «contre le système de conventionnement des médecins sans le préalable de révision de la tarification des honoraires à 600 DA au lieu des 380 DA actuels pour les généralistes et 800 DA au lieu de 600 pour les spécialistes». Le président du Conseil régional de l'Ordre précise que «les inquiétudes des praticiens du Sud ont été exprimées à temps afin d'inclure une majoration spécifique à cette zone dans les textes réglementaires». Tout en soulignant l'intérêt pour chacun de préserver les intérêts de la CNAS et résorber son gouffre financier afin de préserver le dispositif de solidarité nationale. Le docteur Gaceb maintient qu'«il faut impérativement soutenir l'industrie nationale du médicament dans un cadre réglementaire transparent mais aussi résorber les autres sources d'hémorragie financière de la CNAS, à savoir les actes médicaux et opératoires des cliniques privées». Somme toute, la conclusion du Conseil de l'Ordre des médecins du Sud-Est est d'attendre la levée des réserves émises pour s'investir à fond dans l'application de la convention du tiers payant.