The Social Network de David Fincher, projeté mercredi soir à la salle Cosmos à Riadh El Feth d'Alger à l'initiative de MD Ciné, remonte l'histoire d'un réseau qui compte 500 millions d'abonnés, «le troisième pays» après l'Inde et la Chine. Facebook est né d'une rupture. Rupture amoureuse entre Mark Zuckerberg (Jesse Eisenberg), étudiant à Harvard, et sa copine Erica Albright (Rooney Mara). Cette nuit d'octobre 2003, Mark, génie en informatique, va pirater le système (trombinoscope) de l'université pour lancer un site. Insulter sa petite amie sur son blog ne lui suffit pas. Il détourne la base de données de toutes les étudiantes et crée un sorte de jeu : choisir la plus belle entre deux filles. Facemash est né. Il fait déjà fureur parmi les étudiants. La sécurité du système informatique de Harvard est mise en danger. Mark est contacté par deux frères Cameron et Tyler Winklevoss (Armie Hammer et Josh Pence) pour développer un site, «Harvard connection». Il accepte l'offre et va travailler dans sa chambre aidé par Eduardo Saverin (Andrew Garfield), Dustin Moskovitz (Joseph Mazzelo) et Chris Hughes (Patrick Mapel). Les frères Winklevoss, natifs d'une famille riche, s'impatientent et s'inquiètent des mails de plus en plus rares de Mark. En fait, Mark saute sur l'idée, l'améliore pour créer, début févier 2004, Thefacebook.com. Un coup de couteau dans le dos ? Les frères Winklevoss crient au plagiat. Ils contactent le président de Harvard et plaident pour le respect du code de conduite de l'université. Ils sont éconduits. Mark peut donc poursuivre son «œuvre» sans crise de conscience. Thefacebook, bâti sur un réseau d'amis interconnectés, gagne en audience. Il s'étend à l'Ivy League, un groupe de huit universités du Nord-Est américain telles que Columbia (New York), Princeton (New Jersey), Harvard (Massachusetts) ou Brown (Rhode Islande). Il est populaire à Yale puis dans les écoles de Boston et au Canada avant de franchir les frontières de l'Amérique du Nord vers le reste du monde. La rencontre de Mark Zuckerberg avec Sean Parker (Justin Timberlake) va modifier les rapports du fondateur de facebook avec ses amis. Flairant la bonne affaire, Sean Parker, qui est le cofondateur du site de partage de musique Napster, fait comprendre à Mark et à Eduardo qu'ils peuvent gagner facilement un milliard de dollars grâce, entre autres, à la publicité. Il propose de supprimer le «The» pour que ça devienne facebook. L'équipe va s'installer dans une villa à Palo Alto en Californie. Et c'est le lancement du réseau social le plus célèbre de la planète. Mark, en manipulateur manipulé, va faire un mauvais coup à son ami Eduardo qui pourtant s'est démené comme un diable pour décrocher des contrats commerciaux pour le nouveau site, en réduisant sa part dans le projet. Plus tard, Mark aura à faire face aux frères Winklevoss et à Eduardo dans d'interminables séances de conciliation pour éviter des procès en justice. Eduardo va se confier à Ben Mezrich qui écrira La revanche d'un solitaire retraçant toute l'histoire de la naissance de facebook. Le dramaturge Aaron Sorkin va s'appuyer sur ce livre pour élaborer le scénario de The social network. Mark Zuckerberg a refusé de rencontrer le scénariste. «Mark possède à la fois une vision sociale utopique et d'immenses facultés techniques couplées à de l'ingéniosité. Il a la vision et l'intelligence, mais des gens et des choses sont détruits en cours de route. Je voulais écrire sur l'échec de l'idéal utopique de Mark l'idée que le succès réglera tous ses problèmes et qu'un réseau social nous permettra à tous de nous rapprocher quand c'est en réalité l'inverse qui s'est produit», a expliqué le scénariste, auteur, entre autres, de La guerre selon Charlie Wilson. Il est pourtant trop léger de penser que facebook ait été crée parce que Mark, qui avait 22 ans au lancement du réseau, voulait régler ses problèmes sociaux ou sexuels. Basé sur la technique des récits contradictoires et du mouvement des va-et-vient, le film ressemble à un doux thriller où il n'y pas de tueurs, mais des assoiffés de célébrité, des génies tourmentés et des esprits brillants, mais pressés par un système où seul le talent a droit de cité, droit de respect (les scènes de bizutage à Harvard le suggèrent amplement). Le cinéaste David Fincher ne s'est pas contenté de conter le récit d'un jeune homme en quête de stature sociale. Il en a profité pour suggérer que la modernité de l'Amérique, celle d'aujourd'hui, est altérée par cette course, presque sans fin, pour la réussite et l'enrichissement même s'il faut écraser valeurs et amis. La construction entraîne-t-elle fatalement la destruction ? L'homme civilisé doit-il être l'ombre de lui-même pour exister dans le cercle des lumières, être entendu ? «Mark paie un prix très lourd. Pour chaque colline qu'il arrive à gravir – de 500 adeptes au départ, à 500 millions par la suite – il est confronté à l'énorme responsabilité de voir son rêve devenir réalité. Il apprend que si vous voulez être grand dans quelque chose, il faut à chaque nouvelle étape du marathon gagner quelques précieuses secondes, se délester de davantage de poids, devenir un peu plus performant (…) Il est seul. Il a ce qu'il voulait, mais il est aussi seul qu'il l'était à la fin de la première scène du film», a expliqué David Fincher. Le bonheur et l'émancipation ne sont donc pas dans la course au sommet, mais ailleurs. Un «ailleurs» qui n'est pas dans facebook ni dans les sentiments virtuels. David Fincher est le réalisateur, entre autres, de L'étrange histoire de Benjamin Button, de The game et de Seven. Mark Zuckerberg, sacré plus jeune milliardaire au monde, aurait pu être un personnage évoluant dans ces trois films…