Vote sans surprise aux Etats-Unis contre un retrait d'Irak de l'armée américaine. Même l'auteur d'un amendement qui a fait sensation, y a joint sa voix, laquelle il est vrai a fait fortement vibrer l'honorable institution parlementaire. La Chambre des représentants américaine a massivement repoussé vendredi soir une proposition réclamant le retrait immédiat des troupes déployées en Irak. Par 403 voix contre 3 et 6 abstentions, la Chambre a repoussé un texte d'un paragraphe, inspiré d'une proposition de résolution déposée la veille par le démocrate John Murtha, premier parlementaire à réclamer officiellement le retrait immédiat des troupes. Le président américain George W. Bush a de nouveau rejeté hier l'idée d'un retrait des troupes en Irak, estimant que fixer aujourd'hui une date pour le départ serait « la garantie d'une catastrophe ». Cette déclaration est intervenue quelques heures après le vote de la Chambre des représentants contre le retrait d'Irak des troupes américaines. « A Washington, certains disent que le sacrifice est trop important et ils nous demandent de fixer une date pour le retrait avant que nous ayons achevé notre mission. Ceux qui sont au combat en savent plus que quiconque », a estimé le président Bush. « Un de nos officiers en Irak, le général William Webster, dit que fixer une date limite pour notre retrait d'Irak serait ‘‘la garantie d'une catastrophe''. Le général Webster a raison », a-t-il assuré. Un an après sa réélection et un an avant des élections cruciales de mi-mandat, George Bush semble de plus en plus en difficulté et isolé sur le dossier de la guerre en Irak. L'état-major républicain de la Chambre avait organisé ce débat in extremis avant le départ des élus pour le congé de Thanksgiving, mettant l'opposition face à un dilemme : se rallier à l'idée d'un retrait immédiat, jugée irréaliste par les experts, ou exprimer son soutien à la guerre en rejetant cette option. Mais le groupe démocrate, pourtant très critique vis-à-vis de l'action de l'Administration Bush en Irak, s'est massivement prononcé contre la proposition de retrait immédiat, dénonçant une « supercherie » et une « attaque malhonnête » contre M. Murtha, ancien marine multimédaillé. « En disant la vérité, M. Murtha a porté un coup dévastateur à la politique ratée du président en Irak », a lancé la chef de file des démocrates, Nancy Pelosi. Plutôt que de retrait immédiat, « nous devrions débattre si oui ou non l'Administration et le président mènent une bonne politique en Irak », a aussi souligné la démocrate Nita Lowey. La guerre en Irak est de plus en plus impopulaire et sa contestation a atteint ces derniers jours un niveau sans précédent à Washington, mettant l'Administration sur la défensive. La Maison-Blanche avait jugé « déconcertant » jeudi que M. Murtha, ancien combattant plusieurs fois décoré qui avait voté pour la guerre du Golfe en 1991 et pour l'autorisation de la guerre en Irak en 2002, « endosse les positions politiques de Michael Moore et de l'extrême gauche du parti démocrate » en plaidant pour le retrait des troupes, « immédiatement ». Le président républicain de la commission des forces armées, Duncan Hunter, a expliqué à la Chambre que ce vote visait à dissiper « une impression répandue dans le monde, chez nos alliés comme nos ennemis, que le Congrès retire son soutien à la guerre en Irak ». Frisant parfois l'insulte envers M. Murtha, parlementaire depuis plus de 30 ans, le débat a aussi été discrètement désapprouvé par le républicain John Warner, président de la commission des forces armées du Sénat. « Le débat d'aujourd'hui montre qu'il faut dépasser les clivages sur l'Irak, plutôt que de faire de la gesticulation politicienne », a dit M. Warner, qui avait fait adopter mardi une résolution sommant l'Administration de présenter une stratégie de succès pour l'Irak, dans la perspective d'un retrait à terme. Le texte soumis au vote de la Chambre indiquait seulement : « C'est l'avis de la Chambre des représentants qu'il soit mis fin immédiatement au déploiement des troupes américaines. » M. Murtha quant à lui avait réclamé un redéploiement « immédiat », organisable selon lui en 6 mois, mais assorti du déploiement d'une force de réaction rapide dans la région. « La présence de troupes américaines en Irak empêche de progresser » dans ce pays, « elles sont les premières cibles de l'insurrection, (...) et nous sommes devenus un catalyseur de violence (...) Les troupes ont rempli leur mission, il est temps de les faire rentrer », avait-il ajouté. Mais M. Murtha a réitéré son argumentaire pour le retrait d'Irak, qui selon lui, a déclenché un « déferlement » de soutiens, à quatre contre un. « L'Irak ne peut pas être gagné militairement, mais politiquement. Il faut dire aux Irakiens de reprendre leur propre pays », a lancé, sous un tonnerre d'applaudissements ce parlementaire. « J'ai visité récemment la province d'Anbar, et j'en suis revenu convaincu qu'il fallait agir (...) il fallait que je présente une résolution qui arrêterait tout ça, pour que nous puissions arriver à une résolution démocrate et républicaine pour livrer cette guerre ensemble », a expliqué M. Murtha. « Tous les Irakiens doivent savoir que leur pays est libre, libéré de l'occupation des Etats-Unis », a-t-il fini par lancer, sous un tonnerre d'applaudissements - non sans lancer au passage un appel aux sunnites pour qu'ils rejoignent le processus politique. Jusqu'à présent, plusieurs élus avaient demandé un retrait progressif des troupes, pour certains avec un échéancier. Mardi, le Sénat a solennellement affirmé que « 2006 doit être une année de transition significative vers la pleine souveraineté irakienne ». La déclaration du Sénat, adoptée par 79 voix contre 19 avec le soutien de l'état-major républicain, excluait toutefois tout calendrier de retrait. Ces initiatives interviennent alors que le bien-fondé de la guerre en Irak est de plus en plus mis en doute : 60% des personnes interrogées estiment qu'elle n'était pas justifiée, selon un sondage que viennent de publier CNN et USA Today. De précédents sondages avaient aussi révélé que cette chute entraîne aussi celle du parti républicain alors que se profilent les élections du mid-term, ce fameux test électoral qui permet à chacune des deux grandes formations de connaître ses forces.