Le président américain engagé dans la seconde moitié de son deuxième et dernier mandat sur une mauvaise note que lui a infligée l'électorat américain en donnant ses voix aux démocrates dans la course pour les deux chambres du Parlement se trouve aujourd'hui au Proche-Orient. Il lui revient donc de sauver son parti et une victoire diplomatique, avec un retrait des troupes US d'Irak – dans des conditions qui restent à déterminer – ne serait pas de trop. C'est dans ce contexte que s'inscrit sa visite de deux jours au Proche-Orient, avec un ordre du jour chargé. Ainsi apprend-on, le président américain Bush est attendu aujourd'hui à Amman pour une visite en Jordanie destinée à examiner les situations en Irak, au Liban et dans les territoires palestiniens, ont indiqué des sources concordantes. Les entretiens de M. Bush avec le souverain jordanien devraient porter sur « la situation dans les territoires palestiniens et la grave crise politique au Liban et en Irak ». S'agissant de l'Irak, le roi Abdallah a souligné l'« urgence de faire quelque chose de retentissant » pour ce pays, notant que « la priorité devait revenir à régler le conflit israélo-palestinien et la crise au Liban », selon un responsable du palais royal. Alors que les Etats-Unis s'interrogent sur la nécessité de fixer un calendrier de retrait des troupes américaines d'Irak, plusieurs pays alliés ont devancé Washington en annonçant une réduction ou un retrait complet de leurs troupes en 2007. Le dernier et plus important allié à faire cette annonce est la Grande-Bretagne dont le ministre de la Défense a déclaré lundi que les 7100 membres des troupes britanniques seraient réduits de plusieurs milliers d'ici à fin 2007. La Pologne, qui commande une division multinationale forte de 2000 hommes dans le sud de l'Irak, a de son côté annoncé que son contingent de 880 soldats serait parti d'Irak à peu près à cette date. Quant à l'Italie, qui a compté un contingent de 3000 soldats en Irak, elle les a pratiquement tous retirés. Il ne reste plus que 60 à 70 soldats qui devraient être partis d'ici début décembre, selon le Premier ministre italien Romano Prodi. « Nous pourrions conclure des décisions de l'Italie, de Pologne et de Grande-Bretagne que la situation est sans espoir », estime Loren Thompson, directeur du Lexington Institute. « Il est rare que des pays abandonnent des campagnes victorieuses. Habituellement, les gens battent en retraite parce qu'ils sont confrontés à une défaite, qu'elle soit militaire ou stratégique », ajoute-t-il. Alors que le départ des contingents italien et polonais était attendu, la nouvelle que des milliers de troupes britanniques vont partir est un coup sévère pour Washington qui tente d'empêcher l'Irak de sombrer. Selon Michael O'Hanlon, expert à la Brookings Institution, il s'agit d'un signe que la relation spéciale, qui a permis aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de collaborer étroitement au Kosovo, en Afghanistan et en Irak, pourrait prendre fin. D'après lui, cela pourrait signifier que « la Grande-Bretagne a décidé de se séparer des Etats-Unis ». « Même si les Etats-Unis ont décidé de garder le cap, (les Britanniques) ne veulent pas en être », a-t-il ajouté. Le Pentagone n'a pas réagi à l'annonce britannique. Cela devrait toutefois alimenter le débat américain sur le transfert des responsabilités en matière de sécurité aux Irakiens et la réduction du nombre de troupes américaines sans que cela entraîne un effondrement du gouvernement irakien ou une guerre civile à grande échelle. « Le fait que des alliés importants au sein de la coalition de l'Administration Bush soient en train d'abandonner le navire encouragera le parti démocrate à pousser à un retrait graduel », selon M. Thompson. Les démocrates estiment que les Etats-Unis devraient faire savoir aux dirigeants irakiens qu'un retrait graduel des forces américaines sera entamé dans quatre à six mois, afin qu'ils comprennent la nécessité d'être prêts à prendre en charge la sécurité du pays. De hauts responsables militaires et de l'Administration Bush disent en revanche qu'un calendrier de retrait déclencherait une spirale de violences confessionnelles et aggraverait les choses. L'armée américaine est dans le même temps inquiète du stress qu'exerce le déploiement en Irak sur ses effectifs et a élaboré des plans pour accélérer le transfert de responsabilités aux Irakiens. Le commandant des troupes de la coalition en Irak, le général George Casey, a déclaré que cette phase de transition prendrait 12 à 18 mois. Mais cela pourrait s'avérer trop long. « Le temps nécessaire pour mettre en place des forces (irakiennes) compétentes (...) est plus long que le calendrier que notre pays actuellement est prêt à accepter », a estimé, la semaine dernière, le nouveau chef du corps des Marines, le général James Conway. Comment donc sortir de cet engrenage, mais aussi dans quelles conditions. Mais à vrai dire, tout cela est-il possible si l'on analyse très sérieusement les conséquences que ce conflit aura inévitablement sur l'ensemble de la région.