La révolte sociale qui s'est emparée de la Tunisie est partie pour s'installer dans la durée avec l'entrée en scène des lycéens. Ainsi, durant la nuit de lundi à mardi, la ville de Thala, à 250 km à l'ouest de Tunis, a été le théâtre d'affrontements qui ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre. «Des lycéens ont participé à une marche pacifique pour exprimer leur soutien aux mouvements de protestation contre le chômage et la cherté de la vie dans la région de Sidi Bouzid», ont affirmé des syndicalistes tunisiens. Le pouvoir tunisien redoute l'implication de cette frange dans la contestation sociale et passe à l'intimidation. Le site de Radio Kalima, que dirige la journaliste et opposante Sihem Bensedrine, a rapporté hier que «des responsables du parti au pouvoir, le RCD, ont convoqué, à Chabba, plusieurs lycéens et leurs parents au domicile d'un des responsables du parti pour les menacer, leur demandant de ne pas entreprendre des actions de protestation à la reprise des cours, après les vacances scolaires. Ils ont contraint également certains d'entre eux à signer un engagement de ne pas prendre part aux protestations». La colère «des oubliés de la République» partie «spontanément» de la ville de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, est en train de s'organiser dans «le but de donner une perspective politique au mouvement». C'est dans cet esprit que les avocats – dont le ralliement au mouvement de contestation a fait réagir violement le pouvoir de Ben Ali – ont appelé à une grève générale pour la journée de demain. De son côté, l'Union régionale du travail de Sidi Bouzid observera une grève générale le 12 janvier prochain. «Le mouvement commence à prendre forme et s'organise pour mieux formuler les revendications», a indiqué le journaliste Jalal Zoughlami. La révolte s'installe dans la durée Pendant ce temps, l'appareil répressif du pouvoir excelle dans la pression pour étouffer la révolte. La police traque les militants, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme partout. «Des membres de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme ont été empêchés de s'attabler, dans un café au centre-ville de Sfax, par plusieurs agents de police qui se sont introduits dans le café et ont procédé à l'évacuation de ses occupants», a rapporté Radio Kalima. Le journaliste Ammar Amrouissa, d'Al Badil online, organe du PCOT, arrêté à Gafsa mardi 28 décembre suite à la marche de solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid, a été écroué vendredi 31 décembre à la prison civile de Gafsa. Il a été violemment agressé au commissariat de Gafsa avant sa détention, a assuré sa famille. L'étendue de la répression a fait réagir plusieurs ONG internationales. Ainsi, une centaine d'ONG, d'associations et de partis politiques organiseront demain à Paris un rassemblement de solidarité avec les révoltés de Tunisie. Les organisateurs du rassemblement ont appelé, dans leur communiqué, «à la libération immédiate et à l'arrêt des poursuites à l'encontre de tous les emprisonnés de ce mouvement comme de ceux qui l'ont précédé, notamment celui des révoltés du bassin minier de Gafsa ainsi que les étudiants emprisonnés en raison de leur activité syndicale» et réclament que «les responsables de la répression, des violences à l'encontre de la population qui ont causé la mort et des blessures graves parmi les manifestants soient traduits en justice».