Colette Naufal, est directrice du Festival international du film de Beyrouth (BIFF), a été membre du jury longs métrages du 4e Festival international du film arabe d'Oran (Fifao), qui s'est déroulé du 16 au 23 décembre 2010. Elle revient, ici, sur l'état actuel du cinéma dans la région arabe. -Pourquoi a-t-on toujours l'impression que le court métrage est délaissé au profit du long métrage lors des festivals et des grandes manifestations culturelles ? Je m'intéresse beaucoup aux courts métrages pour sélectionner certains à notre festival. Aujourd'hui, de plus en plus de festivals donnent de la place aux courts métrages. Ce changement remonte déjà à quinze ans. Il y a toujours une section réservée au court métrage. A mon avis chaque cinéaste devra commencer par le court métrage. C'est là qu'on apprend. Après, on peut aller vers le long métrage. Ce n'est pas facile de faire des longs métrages. Il faut avoir une certaine expérience. -Existe-t-il une réelle relève dans le cinéma arabe ? Je visionne beaucoup de films pour préparer le festival. Il y a beaucoup de jeunes cinéastes qui ont de l'avenir. Il y a par exemple les Saoudiens Ahd Kamel et Abdallal El Eyaf, qui participent avec des courts métrages au festival d'Oran, le Tunisien Malik Amara et le Jordanien Amjad Al Rasheed. Ces jeunes, qui ont du talent, ont de l'avenir. La relève est assurée beaucoup plus qu'avant. -Quelles sont aujourd'hui, les thématiques dominantes dans le cinéma arabe ? On a parfois l'impression que le noir et la tristesse dominent… Aujourd'hui, dans le cinéma arabe, il y a de l'humour et de la finesse. Ce n'est pas seulement la tristesse. Il y a quand même de belles histoires. Et, il n'y a plus de thématiques dominantes. -Peut-on tout dire dans le cinéma arabe aujourd'hui ? On peut dire des choses dans le septième art mais cela dépend du degré de liberté dans les pays… Il y a beaucoup de sujets sociaux, moins pour les questions politiques. Il y a des limites. C'est pour cela qu'il faut avoir plus d'imagination pour raconter de belles histoires. Pas forcément fantaisie. -Peut-on parler d'une nouvelle tendance dans le cinéma libanais ? Il n'y a pas une grande industrie cinématographique au Liban. Parfois le nombre de films qui sortent par an ne dépasse pas les trois. Donc, difficile de parler de tendance dans ce cinéma. Mais, on peut dire qu'on est sorti des thèmes liés à la guerre. On raconte aujourd'hui des histoires comme il en existe ailleurs. Cela dit, il y a encore des gens «bloqués» dans le souvenir de la guerre. Au dernier festival de Beyrouth, j'ai passé trois films et des courts métrages libanais. Aucune de ces fictions n'évoquait la guerre. Pourtant le dernier film de Bahij Hojeij, Que vienne la pluie, présent au festival d'Oran, évoque la guerre d'une certaine manière… Le film est bien (il a décroché le prix du meilleur réalisateur au Fifao, ndlr). Sincèrement, je n'aime plus les films qui reviennent sur la guerre. A un moment, il était difficile d'évoquer la présence syrienne au Liban dans le cinéma. Mais, nous avons dépassé ce stade. Le public libanais est un grand cinéphile. Auparavant, le marché de Beyrouth était le plus fort en matière de cinéma avant le développement du septième art dans les pays du Golfe. Malheureusement, l'Etat libanais ne finance pas le cinéma. N'oubliez pas que nous avons passé plus de vingt ans à gérer la guerre et l'après-guerre. Nous avons des problèmes politiques encore. -Il y a d'autres priorités… Oui. Nous ne sommes pas tout à fait à l'aise. Le Liban n'est pas un pays tranquille où l'on peut penser à l'écologie et au cinéma. -En quoi le Festival du film de Beyrouth est-il difficile par rapport aux autres ? C'est un petit festival international où il y a une compétition entre les films arabes. Nous sommes déjà à la quatorzième année. Il y a eu des années où nous n'avons pas pu organiser le festival. La prochaine édition se déroulera en octobre 2011. Cette année, nous ouvrons la section des enfants. Nous avons également une section culinaire. Il y a une section du film arabe, courts métrages, longs métrages et documentaires. Nous avons une section internationale. Nous faisons également un focus sur un réalisateur ou sur un pays. Nous avons beaucoup de difficultés pour trouver des financements. En Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Egypte, en Syrie, au Qatar, aux Emirats, en Jordanie, les gouvernements apportent leur soutien aux festivals. Ce n'est pas le cas au Liban. Lorsque nous avons commencé, il y avait beaucoup de festivals dans le monde arabe. Aujou'hui, il y a une dizaine. C'est tant mieux. -Et quels sont les noms qui émergent dans le cinéma libanais d'aujourd'hui ? Il y a d'abord, Nadine Labaki qui a réalisé Caramel (qui raconte le quotidien de cinq Libanaises avec notamment la présence des actrices Yasmine Elmasri, Sihame Haddad et Joanna Mkarzel, ndlr). Elle finalise actuellement son second long métrage. Il y a également Ziad Doueiri qui a deux films qui ont eu un succès (West Beyrouth et Lila dit ça, ndlr).Ces deux cinéastes ont réussi au niveau international. Ziad Doueiri travaille sur deux scénarios actuellement alors que Nadine Labaki a déjà vendu son film avant la fin du tournage. Pour réussir, il me semble qu'il faut avoir du talent et pouvoir raconter une belle histoire. Une histoire qui captive le public.