La religion au secours du politique ! Encore une fois, se trouvant face à une situation explosive, le gouvernement tente de jouer la carte de la foi. Hier, lors de la prière du vendredi, les imams ont appelé, comme attendu, au calme et à la responsabilité. Comme s'ils avaient reçu des instructions, plusieurs imams, notamment des mosquées de la capitale, ont axé leur prêche sur les dernières jacqueries enregistrées à travers les différentes régions du pays suite à une hausse inexpliquée des prix des produits de large consommation. En direct à la télévision, un imam d'une mosquée d'Alger a qualifié la destruction des biens d'autrui d'acte interdit et sévèrement puni par l'Islam. Il a ainsi appelé les parents à prendre leurs responsabilités et à sensibiliser leurs enfants pour ne pas participer à ces mouvements de révolte sociale qui prennent l'allure d'un soulèvement populaire qui nous rappelle les douloureux événements du 5 octobre 1988. «Les jeunes qui participent à des actes de destruction de biens d'autrui commettent un péché. Notre religion interdit toute atteinte à autrui. Il n'est permis ni de toucher aux biens publics ni à ceux des privés. Chacun de nous doit faire preuve de responsabilité et empêcher tout dérapage de nos jeunes», indique cet imam qui estime qu'il ne sert à rien de saccager des magasins ou de brûler des bus. Les actes de violence ne peuvent, d'après lui, atteindre les responsables, mais pénalisent en revanche la population. Dans son prêche, cet imam a longuement insisté sur l'importance qu'accorde l'Islam à la paix et à la sécurité des biens et des personnes. Estimant que rien ne peut justifier la violence, l'imam a rappelé que le pays est revenu de très loin, après une décennie de terrorisme. Il a relevé en outre le progrès enregistré par l'Algérie au cours de ces dernières années. A entendre les imams parler, tout va bien en Algérie, et les dernières émeutes ne sont que des actes de folie commis par des jeunes égarés. Ainsi, le gouvernement semble donc minimiser l'ampleur du marasme social qui ronge le pays. Au lieu d'agir vite pour éviter le pire, il tente de vieilles recettes qui semblent dépassées. Pris de court, les gouvernants déploient d'abord «le bouclier religieux» et agitent ensuite, comme cela a toujours été le cas lors de situation de crise, le spectre de la «manipulation». De Constantine, le ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hachemi Djiar, a appelé à la mobilisation de tout le monde pour protéger les jeunes contre toute «tentative de manipulation». Selon lui, les jeunes et moins jeunes, qui se sont adonnés à des actes de violence dans plusieurs régions du pays, ne doivent pas faire l'objet, une seconde fois, de tromperies comme ce fut le cas durant la décennie noire. «Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir», a-t-il précisé, appelant les jeunes qui sont sortis saccager les édifices publics et les infrastructures commerciales à «réfléchir et à voir tout ce qui a été réalisé en Algérie en un laps de temps quand même record». Mais qui manipule qui ? Et pourquoi ? Le ministre ne le dit pas. Il se contente d'attester que les jeunes doivent comprendre qu'ils n'ont pas de pays de «rechange».