Dans le prêche de ce vendredi prononcé dans une mosquée de Médéa, le ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, a justifié la tragédie vécue par la population de Ghardaïa, suite aux dernières inondations qui ont affecté la région par des considérations religieuses et mystiques. « Dieu a voulu tester la foi des citoyens de Ghardaïa et leur capacité d'endurance face à l'adversité », a-t-il observé. Cette propension des autorités à puiser dans le registre temporel des arguments pour masquer et fuir leur responsabilité civile, qui est pleine et entière dans des affaires qui relèvent d'un problème de gestion mal assumée, rappellent les propos qu'avait tenus le président Bouteflika aux sinistrés des inondations de Bab El Oued. « Vous voulez vous mettre en colère contre Dieu, c'est le Créateur qui a voulu cela », avait-il tempêté devant les sinistrés qui l'avaient apostrophé sur les carences des pouvoirs publics dans la prise en charge des conséquences des inondations. L'image du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, lors de son déplacement à Ghardaïa, clôturant son intervention devant les représentants de la société civile par un chapelet de prières, les bras levés au ciel, ponctué de la récitation de versets du Coran, était presque surréaliste. Passe encore que le ministre des Affaires religieuses s'essayât à cet exercice ; il est dans son rôle jusqu'à certaines limites, toutefois. Le politique doit s'occuper de la politique et le religieux de la religion. C'est bien la première fois que M. Ouyahia fait une telle incursion, voire immersion dans le registre religieux. Cette facilité avec laquelle les responsables jouent sur les sentiments religieux des citoyens pour tenter d'apaiser les esprits devant une tragédie et une situation de désarroi profond, lorsqu'on a perdu des proches et tous ses biens, en un mot pour contenir une colère légitime qui peut déraper, est à la fois immonde et immorale. Le peuple algérien est suffisamment pieux et croyant pour le convaincre de la toute puissance divine par des incantations religieuses émanant d'hommes politiques autoproclamés immams. Ce genre de raccourci par lequel on cherche à tout expliquer et justifier par la fatalité et le destin n'est pas nouveau. On a tous en mémoire ce mot d'ordre sur lequel l'ex-parti dissous avait bâti sa campagne électorale en martelant que « voter contre ce parti, c'est voter contre Dieu ».