Jusqu'en fin d'après-midi d'hier, aucun incident majeur n'a été signalé dans la plupart des localités de l'Est algérois. De Bordj El Kiffan où les affrontements entre les forces de l'ordre et les jeunes insurgés ont duré deux journées de suite, jusqu'à Aïn Chorb (Surcouf) dans la commune de Aïn Taya, le calme est revenu, progressivement. Néanmoins, le climat général reste tendu, particulièrement à Eddoum, où les émeutes ont été très violentes durant les dernières 48 heures. Sur ce tronçon de route qui mène des Pins Maritimes jusqu'à Réghaïa, les séquelles des affrontements sont encore visibles, les restes de pneus brûlés marquent la chaussée, qui est devenue un réceptacle pour toutes sortes d'objets. A Rassota, localité qui dépend territorialement de la commune de Bordj El Kiffan, ce sont tous les lampadaires, que les manifestants avaient arrachés la veille, que les agents de l'APC essayaient de dégager pour libérer la route. A la cité Faïzi, qui a connu l'un des épisodes insurrectionnels les plus agressifs, l'espace réduit entre une barricade et une autre renseigne sur le caractère violent de ces émeutes. Des traces laissées par les jets de pierres sur les édifices publics maculent les murs et des monticules d'objets hétéroclites jonchent la chaussée. Quelques habitants, à Bateau Cassé, munis de balais et de pelles essayaient de redonner à leur quartier un semblant de propreté. A Quahouet Chergui, c'est à coups de jets d'eau que les ouvriers municipaux ont nettoyé les alentours du grand rond-point. En continuant sur le tracé de la RN 24, plus précisément au carrefour Colonel Doukar, dans la commune d'El Marsa, le lieu déborde d'éclats de verre des devantures brisées des locaux appelés communément par les habitants «les 100 locaux du Président» qui ont été complètement saccagés. En face, une dizaine de chalets vides ont été brûlés par les manifestants, ne laissant apparaître de leurs structures que quelques ossatures cramées et une colonne de fumée encore montante. D'El Marsa à Rouiba en passant par Surcouf, la cité des Pins et la cité Diplomatique à Dergana, les émeutes se sont estompées au fil du temps, mais un climat de tension reste toujours perceptible. A l'ouest de la capitale, les habitants des communes de Baba Hassen, Birtouta, Baba Ali et Douéra ont vaqué hier à leurs occupations quotidiennes dans le calme. Ces localités, semble-t-il, n'ont pas connu d'affrontements comme ceux qu'ont vécu les autres localités périphériques et les quartiers d'Alger. A Baba Hassen, hier, seul les bruits des machines s'échappant des ateliers installés un peu partout dans la ville perturbaient le calme des lieux. Personne ne semble prêter attention à ce qui s'est passé, ces derniers jours, dans les autres villes. Seuls les journaux, sur les étals des kiosques, rappellent les manifestations de colère qui ont secoué le pays. Concernant les boutiques et les bureaux de différents services publics, il n'y a vraiment rien d'inhabituel : agences postales et écoles étaient ouvertes et les commerçants ont étalé leurs marchandises, attendant la clientèle. Le même décor est remarqué à Douéra. «Seule nouveauté : les routes sont fluides, car les gens évitent sans doute de sortir sans motif», est-on tenté de penser. Dans la commune de Birtouta, la présence de policiers, un peu partout dans la ville, témoigne de la fébrilité de la situation. Des groupes de jeunes s'adonnent à leurs activités habituelles : jeu de cartes et discussions sous les arbres bordant les allées de la cité des 1680 Logements, qui a accueilli les anciens habitants des bidonvilles de Oued Korich et d'El Djazira, entre autres. Le marché de proximité grouillait de monde. Aucun signe de tension n'était perceptible.