Les esprits ne se sont pas apaisés hier à Béjaïa et la situation n'a pas évolué d'un iota, si ce n'est que les émeutiers, qui se partagent la rue avec la police, se sont trouvés de nouvelles cibles à détruire. Dans l'acharnement des affrontements, deux blessés, dont un gravement atteint – un traumatisme crânien, selon une source hospitalière – sont à déplorer en fin de journée d'hier dans la ville de Sidi Aïch. Ils ont été évacués vers l'hôpital de la ville. Selon une source locale, ils auraient été heurtés par un véhicule des forces antiémeute. Plusieurs autres blessés sont à déplorer dans la multitude de foyers de tension dans la wilaya, qui a vécu une journée sans école. Les élèves ont dû rentrer chez eux après s'être retrouvés, dans certains cas, devant des établissements scolaires fermés. Pourtant, selon le directeur de l'éducation, il n'y a eu aucune instruction pour le faire. Dans la ville de Béjaïa, l'hôtel des finances qui se trouve sur le boulevard de l'ALN a été «convoité» tout l'après-midi par les manifestants. Une grosse cible que les émeutiers auraient bien voulu accrocher, après une première tentative avortée, sur leur tableau de chasse, déjà trop noir. La raison ? L'imposant édifice renferme les plus sensibles des administrations : les impôts, le contrôle financier, les domaines et la conservation foncière. Investi par des unités de maintien de l'ordre depuis le week-end dernier, celui-ci a été gardé fermé en ce début de semaine. Ses employés ont été invités à rebrousser chemin et des documents et matériels informatiques ont été évacués vers des lieux sûrs. Quelques heures plus tard, les hostilités ont éclaté sur tout le boulevard de l'ALN, du quartier Aâmriw jusqu'au siège de la wilaya en passant par Dawadji et la cité CNS. Même au-delà, rue de la Liberté, boulevard Amirouche et ailleurs, comme dans le populeux quartier d'Ihaddaden. C'est à des face-à-face acharnés que nous avons assisté au quartier Dawadji. Des centaines de jeunes, qui trouvent dans ces affrontements une occasion d'extérioriser une profonde colère et un sentiment de marginalisation, ont affronté des CNS dont le nombre est loin de rivaliser avec les contingents de policiers mobilisés durant les événements du printemps 2001. Le caractère national des émeutes de cette fois-ci a dispersé leurs troupes. Ils ont été mis en difficulté dans bien des cas. Sentant l'étau se resserrer autour d'eux, ils ont aussi fait usage de balles en caoutchouc. Comme aux alentours du siège de la wilaya où ils ont riposté avec des bombes lacrymogènes, dont une a touché en plein visage un manifestant ; une ambulance du Croissant-Rouge algérien, qui faisait une ronde, l'a évacué vers l'hôpital. Elle en fera de même pour au moins deux autres blessés dans le même périmètre. Si le déplacement du véhicule du CRA a été facilité à Béjaïa-ville par les manifestants qui lui ouvraient les accès obstrués, ce n'était pas le cas pour une ambulance de la commune d'Amizour qui a été brûlée, avant-hier soir. Les usines Alexo et Profert ont été aussi saccagées dans cette ville. En fin de journée, les manifestants n'ont rien perdu de leur énergie, comme dans certaines localités de la wilaya à l'exemple d'Akbou et d'Ighzer Amokrane. Dans cette dernière ville, la revendication du départ d'un officier de la sûreté urbaine a été satisfaite. Le départ des CNS aussi. Suite à quoi les rues ont été nettoyées. L'arrivée, hier, d'autres CNS a renvoyé la situation à la case départ. A Tazmalt, le calme qui est revenu semble précaire après que des citoyens eurent intervenu pour protéger le siège de l'APC de la destruction. La même réaction est signalée à Amizour, où des citoyens s'organisent pour faire barrage aux saccages des biens.