Yennayer, le jour de l'an amazigh, est fêté à travers l'Algérie et même au-delà, dans les pays d'Afrique du Nord. Loin de tomber dans l'oubli, cette journée est fêtée chaque année avec plus de ferveur et de convivialité dans les familles, et sa célébration gagne les espaces publics. Le mot d'ordre de «journée chômée et payée» est déjà adopté, comme en Kabylie, dans certaines entreprises et administrations relevant des collectivités locales. Le mouvement associatif est régulièrement au rendez-vous pour présenter des programmes de festivités à l'occasion du passage au nouvel an berbère. Reste la reconnaissance officielle qui n'arrive pas en dépit des luttes menées depuis des décennies pour l'institutionnalisation de tous les éléments formant l'identité amazigh. L'Etat algérien est aujourd'hui dans cette situation contradictoire, où il reconnaît la langue amazigh tout en se détournant de son substrat culturel. L'Etat est dans le déni de la réalité. Pourtant, il ne lui est pas demandé d'inventer, mais de reconnaître des faits, des traditions profondément ancrées au sein de la société. Les décideurs préfèrent se laisser déborder, y compris dans la violence, plutôt que d'accompagner, de traduire dans les lois, les aspirations de la population. Le cours des événements montre pourtant que l'histoire donne toujours raison aux luttes portées par toute la société. En septembre 1999, le président de la République affirmait, dans un meeting à Tizi Ouzou, que tamazight ne sera jamais langue officielle et que si elle devait devenir nationale, elle le serait par voie référendaire. Trois années plus tard, et plus d'une centaine de morts dans les événements de 2001 en Kabylie, tamazight est devenue langue nationale après un simple vote des députés et des sénateurs réunis en congrès. Nul souvenir de l'affirmation présidentielle à propos du référendum. En 1980, la revendication identitaire pouvait mener devant la Cour de sûreté de l'Etat et dans des geôles de sinistre mémoire. Quinze ans plus tard, le Haut-Commissariat à l'amazighité était créé et rattaché à la présidence de la République. Un acquis qui avait coûté une année scolaire à des dizaines de milliers d'élèves. L'entêtement officiel se manifeste uniquement lorsqu'il s'agit de la revendication identitaire amazigh. Les décideurs ne cèdent qu'à la suite d'hécatombes, comme celle du printemps noir, ou après des luttes qui s'étendent sur des décennies, comme la mobilisation du Mouvement culturel berbère. Le courant islamiste, qui a pourtant pour projet de dissoudre la République, accumule les reconnaissances et les acquis, jusqu'à l'amnistie des terroristes.