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On a réussi à leur parler en ligne
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Publié dans El Watan le 14 - 01 - 2011

Ils sont injoignables au téléphone, n'ont parfois plus de mail, ils mais arrivent encore à déjouer la censure internet. Paroles de Tunisiens en colère.
Rad : «Les jeunes n'acceptent plus Ben Ali»
La situation est frustrante, on ne comprend plus rien, les manifestants pacifiques sont toujours tabassés, les casseurs inconnus ne le sont jamais. On nous dit qu'il y a un couvre-feu, mais en réalité, il y a un «ouvre-feu». Les sources d'Al Jazeera, Al Arabia, BBC, CNN, ce sont les internautes. Ils nous donnent des infos qu'on connaît déjà ! Pour les autres médias, je pense qu'on a découvert que la censure n'existe pas seulement en Tunisie, ou peut-être que les manifestations en Tunisie ne sont pas considérées comme dangereuses. Les médias américains ne diffusent rien. Pour eux, tant qu'il n'y a pas d'islamistes, ce n'est pas dangereux. La Tunisie est un pays qui n'est pas riche en ressources naturelles ; vu que c'est le peuple qui mène les manifestations, les médias ne s'intéressent pas trop à nous. La Syrie interdit la diffusion des infos sur la Tunisie. Au Maroc et au Qatar, ils ont interdit des manifestations en soutien à la population tunisienne. Pour les médias, la démocratie n'est pas un sujet chaud. Je m'inquiète pour la Tunisie. Mon pays va mal, très mal. A chaque fois que l'on se dit que c'est la fin, le gouvernement prend des décisions qui nous frustrent, on ne comprend plus rien, l'armée s'installe puis se retire. Les jeunes n'acceptent plus Ben Ali comme président. Ils sont blessés et arrêtés partout, les flics nous traitent comme des animaux, avec leurs bombes lacrymogènes (to use only for animals) lors des manifs. Il faut que Ben Ali parte.

Heni Hnana : «Les dégâts économiques feront bouger les choses»
Je pense que ce qui se passe aujourd'hui était prévisible. C'est un ras-le-bol général. Vous savez, la révolution, c'est un vase plein d'eau que l'injustice fait déborder. Chacun milite à sa façon (rue, facebook, blog, journal...) pour une raison qui lui est propre (chômage, liberté d'expression, corruption, politique, etc.). Quand on fait partie du peuple en Tunisie, on est victime d'injustices quotidiennes. Aujourd'hui, le peuple a eu le courage de sortir dans la rue, parce qu'il n'en peut plus. Les médias internationaux se renseignent comme nous à travers facebook. La chaîne TF1 a eu accès au territoire tunisien, mais reste très surveillée par la police. Moi personnellement, ce que je lis dans les médias étrangers, c'est une information périmée, puisque je l'ai déjà lue sur les réseaux sociaux (twitter, facebook, blogs), mais le fait que la presse internationale en parle travaille notre intérêt, puisque cela permet de faire connaître notre cause à toute la planète. Cela nuit à notre tourisme, certes, mais les dégâts économiques feront bouger les choses ! Le déclic a été l'opération Anonymous, quand ils ont «défacer» les sites gouvernementaux avant-hier. Sur ma chat list facebook, à 5h, j'avais 300 amis connectés. Tous les réseaux sociaux étaient pleins à craquer ! Pourquoi ? Parce qu'il y avait une rumeur qui circulait. Comme quoi on aurait fait un coup d'Etat au Président. Notre seul problème aujourd'hui, c'est que les revendications ne sont pas organisées et qu'il n'y a pas de leaders dans l'opposition ! Personne pour fédérer, personne pour guider, personne !Certains noms circulent sur d'éventuels successeurs, mais ils sont pour la plupart à l'étranger : Moncef Marzouki, Chebbi, Tarek Mekki… «Je crois que si le Président, aujourd'hui, déclare qu'il divorce et qu'il traduira sa belle-famille devant les tribunaux, ça calmerait la foule», c'est ce qu'on entend dire dans les cafés ou dans les réseaux sociaux tunisiens. «La Tunisie meurt. A ses funérailles, j'ai vu Ben Ali, les yeux secs et les mains pleines de sang !»

Amel : «Les pays arabes ont peur que leurs peuples suivent notre exemple»
Les émeutes, selon moi, sont un passage obligé pour, enfin, décrocher notre liberté. J'ai peur, mais en même temps, je suis soulagée. On comptait essentiellement sur le soutien de la France, mais on entend qu'elle ne veut pas intervenir dans la politique interne du pays et qu'elle reste «vigilante», comme l'a dit M. Fillon. On a compris qu'il y a des intérêts communs entre la puissance tunisienne et les hommes politiques français. En ce qui concerne les pays arabes, on ne veut rien d'eux, qu'ils s'occupent de leurs problèmes internes d'abord, et puis ils ne feront rien, car ils ont peur que leurs peuples suivent notre révolution. J'espère que ce régime tombera. Que les voleurs seront présentés devant les tribunaux. Qu'ils soient jugés et punis.

Fatima. «Honte à la France»
L'immolation puis la mort de Bouazizi était de trop. Les Tunisiens qui subissent durant des années la répression policière du régime Ben Ali et les injustices sociales, disent «basta» en descendant dans les rues pour réclamer droit et dignité. Malheureusement et encore une fois, la réponse du gouvernement aux revendications (plus que légitimes) du peuple a été les armes. On compte des dizaines de morts et ça continue. Toute lueur d'espoir de voir la répression s'arrêter et l'instauration d'un dialogue entre le peuple et le gouvernement se dissipe au fil des jours qui passent. Dix jours après le début de la contestation, le silence des autorités régnait encore jusqu'à interdire (annuler) la rediffusion du seul débat autorisé sur la chaîne privée Nessma TV. Le président Ben Ali s'adresse enfin à son peuple, non pour l'apaiser et déclarer une amnistie générale, comme le laissait entendre la rumeur, mais pour le menacer et accuser les acteurs à l'étranger (la manipulation à partir de l'étranger). Et puis de nouveau, un discours qui traite une partie des contestataires de terroristes et l'autre partie d'enfants immatures que les parents doivent protéger. Hier encore un autre brin d'espoir s'est envolé ; la déclaration du Premier ministre de libérer des citoyens arrêtés lors des manifestations, de la mise en place d'une commission d'enquête concernant les affrontements entre les manifestants et la police et d'une commission d'enquête sur la corruption est restée sans suite : les bloggeurs Slim Ammemo et Aziz Amami sont toujours arrêtés, Hamma Hammemi, président du Parti des ouvriers communistes tunisiens (POCT) a été arrêté hier dans la journée et les tirs des policiers continuent encore aujourd'hui. Nous ne sommes pas dupes ! Les Tunisiens savent qu'il n'en est rien, ils ne se contentent plus de discours et de promesses non tenues, ils exigent des actes. Ils ont continué, malgré le couvre-feu imposé par les autorités, à manifester au prix de leur vie. Ben Ali n'a plus qu'une seule alternative, celle de partir. Le temps de la réconciliation est passé. On aurait espéré qu'il parte autrement en ayant préparé la Tunisie à de vraies élections et à l'alternance. Le peuple tunisien a élevé la voix, il exprime son désir de changement et ses aspirations à la liberté et à la dignité. Il veut se réapproprier sa Tunisie et ne veut plus de celle de Ben Ali. Une autre Tunisie mais avec quelles autres alternatives ?
Honte à la France, pays des droits de l'homme, qui, au lieu de dénoncer les comportements de ce régime assassin, propose de l'aider à assurer la sécurité aussi bien de la Tunisie que des manifestants. Si ça ce n'est pas de l'ingérence, alors c'est quoi ? Actuellement, la Tunisie est signataire de nombreuses conventions internationales relatives au respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. C'est le rôle de la communauté internationale, entre autres, et surtout de la France, vu l'histoire commune des deux pays et les accords économiques actuels, de lui rappeler ses engagements.


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