Place du 1er Mai, 12h30, plusieurs petits groupes de jeunes tournent autour de l'horloge face à l'entrée de l'hôpital Mustapha Pacha. Ils se regardent, se guettent avant de s'identifier. Ils ne se connaissent pas mais ils ont tous répondus à l'appel d'un rassemblement pacifique lancé sur facebook. Objectif de la manifestation : exiger le changement, la liberté, l'ouverture et le respect. 13h30, plus d'une cinquantaine de personnes se réunissent autour de quelques drapeaux. Le rassemblement a, à peine, le temps de s'organiser, qu'un officier de la police vient disperser la foule. D' un ton ferme et intransigeant, il lance : «Vous n'avez rien à faire ici, les rassemblements sont interdits, dispersez-vous.» Un participant lui explique que ce rassemblement est pacifique et qu'aucun débordement n'aura lieu. L'officier s'emporte et tente de lui arracher le drapeau des mains. Usant d'un peu d'humour, le manifestant retient le drapeau et tente de négocier dans le calme. L'officier s'emporte. Une dame arrache le drapeau et crie de colère que ce drapeau est le sien et qu'il n'a pas à le saisir de force. L'officier hausse le ton quelques secondes puis finit par se résigner. Le moment de contestation commence alors. Les jeunes s'assoient et se mettent à scander : «Vous ne voulez pas des casseurs, nous on vient s'exprimer pacifiquement», «Nous voulons du changement », « Une Algérie libre ». Le rassemblement prend de l'ampleur, ils sont un peu plus d'une centaine à crier : «Djazair horra dimokratya» («Algérie libre et démocratique»). Les policiers s'énervent et traînent violemment un jeune. Des cris d'indignation viennent renforcer le mouvement de solidarité. Les slogans se précisent alors : «La soucor la zite nehiwelna el parasites !» («ni sucre ni huile, éliminez juste les parasites»). Le cordon sécuritaire prend ses distances. Le rassemblement atteint son apogée avec quelques moments de silence, entrecoupés de youyous et d'autres slogans : «Rendez-nous notre liberté », «Hommage aux émeutiers tués ». Après un bref discours d'un des initiateurs du rassemblement, le sit-in est levé. Pendant que les manifestants se dispersent, un impressionnant cortège de blindés antiémeute, sirènes hurlantes, envahit la place du 1er Mai, semant le trouble dans la circulation routière. La bastonnade a, cependant, été évitée in extremis. Fella Bouredji