La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh) version Bouchachi organise, demain vendredi, à la Maison des syndicats de la capitale, conjointement avec quatre syndicats autonomes – Snapap, CLA, Satef, Coordination sections CNES – une rencontre nationale pour «débattre de la situation actuelle et des moyens à mettre en œuvre et des actions à mener pour empêcher la marginalisation d'un nombre de plus en plus important de jeunes et, par la même occasion, empêcher que le pays ne s'enfonce encore plus dans le chaos». Au-delà de l'importance de son ordre du jour, ce rendez-vous a surtout le mérite de rassembler des organisations de la société civile issues d'horizons divers autour d'un thème éminemment politique. En dehors des alliances conjoncturelles qui les ont liés sur, par exemple, la question des salaires ou des libertés syndicales, les syndicats autonomes ne se sont, en effet, presque jamais avancés sur un terrain autre que le leur. A l'instar du monde politique, les nombreuses tentatives de constituer un front syndical libre en Algérie ont, pour une raison ou pour une autre, toujours avorté par le passé. Le fait qu'aujourd'hui autant de syndicats soient parvenus à s'unir autour d'un «SMIG» politique et social peut laisser penser qu'une prise de conscience s'est produite au sein de la société civile. A ce propos, Rachid Malaoui, le président du Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (Snapap) s'est félicité, dans une déclaration faite hier à El Watan, que les participants à cette rencontre, qu'il a qualifiée d'«importante», n'aient pas fait dans le corporatisme et se soient sentis interpellés par la situation catastrophique qui prévaut actuellement dans le pays.
Colère de la jeunesse
Evoquant les dernières émeutes qui ont secoué de nombreuses grandes villes du pays et l'état d'extrême détresse dans lequel se trouve la jeunesse algérienne, M. Malaoui fera savoir que les cinq signataires de l'appel plaidant en faveur de la tenue d'une telle rencontre conviennent tous «que l'on ne peut pas laisser les choses en l'état» et s'accordent tous sur le fait qu'«il est urgent de faire quelque chose». «Avec le temps, tout le monde a compris que le changement viendra non pas du pouvoir mais de la société civile. Par ailleurs, nous ne pouvons plus agir comme s'il ne s'était rien produit», a expliqué notre interlocuteur, avant d'ajouter que leur action consiste aussi à accompagner et à donner du contenu à la colère de la jeunesse. Même si Rachid Malaoui s'est voulu très prudent et s'est refusé à anticiper sur les résultats des débats qui auront lieu vendredi, il dit espérer tout de même que «malgré la diversité de nos préoccupations, de nos champs d'intérêt et des différends qui peuvent exister, pouvoir montrer la maturité qui doit absolument nous habiter afin de dépasser les clivages et par la même fédérer les efforts pour la construction d'un avenir meilleur pour les Algériennes et Algériens». Dans un communiqué rendu public mardi, la Laddh, le Snapap, le CLA, le Satef et le CNES ont néanmoins annoncé la couleur et donné une idée sur la direction dans laquelle iront les débats de vendredi. Connues pour leur engagement pour la défense des libertés et des droits de l'homme, les cinq organisations ont demandé «à ce que soient libérés ceux qui sont considérés comme 'émeutiers' car ceux qui ont contribué, par leurs décisions et actes de gestion autoritaire, à fabriquer les ‘émeutiers' sont les premiers à devoir comparaître devant la justice». Elles exigent, par ailleurs, la levée de l'état d'urgence et l'ouverture du champ médiatique, politique, syndical et associatif «afin que les conflits puissent être réglés par la force d'un droit qui prend en charge les intérêts et les préoccupations de la majorité de la population et non pas par le droit d'une force qui protège les intérêts d'une minorité».