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Les gros retards de la capitale de la culture islamique
Tlemcen
Publié dans El Watan le 21 - 01 - 2011

Rien ne présage que Tlemcen abritera cette année un grand événement. La capitale des Zianides a été déclarée «Capitale de la culture islamique» en 2011, lors de la quatrième conférence islamique des ministres de la Culture, tenue à Alger en décembre 2004. Mais Tlemcen n'est apparemment pas prête, malgré l'optimisme des autorités. Pourtant, les pouvoirs publics ne lésinent pas sur les moyens : pas moins de 10 milliards de dinars ont été mis à contribution pour l'événement. Le point sur l'avancement des chantiers.
Les nouvelles constructions :
-Le palais de la culture, implanté dans la commune de Mansourah, à quelques encablures des ruines historiques de la même localité, devait être réceptionné en octobre 2010. Il enregistre actuellement un taux d'avancement de 85%. «A ce rythme, le palais ne sera réceptionné qu'en février ou mars prochains, soit avec plus de cinq mois de retard», estime un responsable local. «Les autorités locales tentent, à travers le maître de l'ouvrage, d'accélérer les travaux, ce qui se traduira négativement sur l'esthétique des lieux. A mon sens, c'est une grave erreur», juge le même responsable, «d'autant qu'il est appelé à abriter les principaux événements». Il s'étendra sur une superficie de 10 300 m2. Il sera doté de deux salles de conférences d'une capacité totale de 1300 places, de deux salles de cinéma qui feront aussi office de théâtre. «Seule une salle sera prête pour la manifestation, l'autre sera aménagée courant 2011», révèle une source proche du projet. Le complexe abritera aussi des ateliers de peinture, un conservatoire, un musée, une médiathèque et des galeries d'art. Son coût est de 100 milliard de centimes.
-Le Renaissance Tlemcen Hotel est un palais des Mille et Une nuits. Cet hôtel de grand standing (5 étoiles) est construit sur le plateau de Lala Setti, qui surplombe à plus de 800 m d'altitude la ville de Tlemcen. En voie de parachèvement, il est construit par le groupe d'hôtellerie américain Marriott Hotels & Resorts, et la livraison est prévue pour février 2011. Or, il devait être réceptionné à la mi-2010. Composé de 500 lits, de 14 salles de conférences, dont la plus grande salle de réunion appelée «Salle de Bal Mechouar» qui peut réunir 800 personnes ainsi que de bars et de restaurants de luxe et une grande discothèque située à l'entrée du palace. Le Renaissance Tlemcen Hotel sera un lieu de villégiature «pour les notables de la région. Je pense qu'on n'aura pas accès au “palais du roi“, il est bâti sur mesure pour flen wa flen !», ironise un jeune de la région.
-Le centre de recherche andalou sera, selon les concepteurs du projet, une réplique de l'Alhambra en Espagne. Il a été confié au bureau d'études MCT. Pour ce faire, les deux architectes retenus du bureau MCT, Hamdane et Fardeheb, ont été envoyés à Grenade, en Espagne, pour s'inspirer du style architectural andalou. La proposition pour la construction d'une esplanade à l'image de celle de Riadh El Feth et d'un parking souterrain n'a pas été retenue par le wali de Tlemcen, estimant le coût exorbitant. La réalisation de ce bijou architectural implanté à proximité du Palais de la culture a été confiée en 2009 à une entreprise chinoise en mesure de le livrer à temps. «Cependant, l'entreprise s'est engagée à le livrer en 2012», nous informe un responsable local, soit après l'événement. Le coût du projet avoisinera les 1,4 milliard de dinars. Pour la décoration et les ornements, «les responsables du projet n'écartent pas l'éventualité de les confier à une main-d'œuvre spécialisée marocaine, afin d'accélérer la cadence de réalisation mais aussi pour être sûr de la bonne application et de son esthétisme», confie un élu de la région.
Cette même main-d'œuvre, à en croire des sources sur place, est très prisée des notables de la région pour la décoration de leurs résidences. Les autorités locales estiment le taux d'avancement à 80%. Une virée sur les lieux nous renseigne sur un autre taux, bien moins optimiste. «Si nous prenons en ligne de compte la finition, le taux réel d'avancement est de 60%. La finition et la décoration des lieux nécessiteront une année. Je pense qu'il abritera la cérémonie de clôture», révèle un autre élu de la wilaya de Tlemcen. Seulement voilà, le choix de l'implantation aussi bien du Centre de recherche andalou que du Palais de la culture soulève les réserves de certains architectes. En effet, les façades des deux édifices donneront sur une rue abritant des villas en construction : «Un gâchis», commente un architecte.
-La nouvelle résidence de la wilaya située à Birouana (Qalâa supérieure) sur la route Lala Setti - sur les vestiges de la prestigieuse Villa Rivaud - connaît elle aussi des lenteurs dans l'avancement des travaux. Et pour cause, la réalisation a été confiée à une entreprise égyptienne «après les événements de novembre 2009». «Suite au match de football qui a opposé les équipes algérienne et égyptienne, le chantier a été mis à l'arrêt. Il n'a été repris par une entreprise algérienne que récemment et risque d'être livré un an après la date de livraison prévue», confie une source proche du dossier.
-L'hôtel Pomaria, qu'on pourrait aisément comparer à un petit hôtel de bourgade, est le seul projet achevé à 100 %. Il est situé à la sortie de la commune de Mansourah. Cet établissement isolé a déjà été réquisitionné par les organisateurs de «Tlemcen capitale de la culture islamique» ; on avance le chiffre de «50 milliards de centimes». Pour information, Pomaria (les vergers) est l'ancienne appellation de Tlemcen.

Les vestiges et monuments en restauration :
«On avait tout le temps pour restaurer les grands monuments historiques de la ville, mais voilà que les autorités ne décident qu'à la dernière minute pour le faire. Ainsi Tlemcen rate encore une fois l'occasion pour restaurer son patrimoine avec l'art et la manière», s'insurge le directeur d'un bureau d'études. Autorités locales et entrepreneurs ont engagé une véritable course contre la montre pour la restauration des vestiges afin de les livrer à temps. Peine perdue, puisque les travaux ne sont qu'à un stade moyen d'avancement, oscillant, selon des sources au fait du dossier, autour de 40 à 60%. A ce rythme-là, «les premiers visiteurs de Tlemcen n'auront pas grand-chose à voir», atteste un chargé de mission. Quelque 330 millions de dinars ont été dégagés par l'Etat pour la réhabilitation de quelque douze vieilles mosquées afin de leur redonner leur lustre d'antan comme celles de Zahra et Khemiss Sidi Mendil situées dans la ville de Nedroma, ainsi que d'autres situées dans des derbs et ruelles du vieux Tlemcen dont Sidi El Yadoun, Ouled Sidi Limam et Sidi Brahim El Gharib.
Pour la ministre de la Culture, les entreprises nationales chargées de la restauration des sites historiques ont atteint «une qualité et un niveau appréciables. Les compétences nationales qui ont acquis un savoir-faire important dans ce domaine présentent également une certaine jalousie pour le patrimoine national, ce qui les motive davantage à bien faire leur travail dans le but de préserver cet héritage». Mais de l'aveu même de certains bureaux d'études, «nous sommes loin du niveau des maçons et ouvriers marocains. Nous faisons les choses à notre manière, disons que nous sommes arrivés aujourd'hui à faire le travail correctement». La faute incombe encore une fois aux autorités locales. Ces dernières «veulent faire les choses précipitamment, sans une véritable méthodologie de travail et sans concertation avec les concernés que ce soit les architectes, les experts ou carrément les citoyens de Tlemcen. Ce n'est pas la jalousie pour le patrimoine qui fait défaut, c'est plutôt la gestion. Voilà qu'on a décidé autrement, à l'algérienne, terqaa (rafistolage)… Ils n'ont distribué les projets pour les bureaux d'études que depuis moins de dix mois», révèle un architecte proche du dossier. Pour les salles de cinéma, censées rouvrir leurs portes après 30 ans de fermeture, les travaux de restauration devaient toucher trois salles, en l'occurrence le Colisée, le Rex et le Lux. En réalité, seul le Colisée est en travaux. Enfin, pour les défenseurs de l'environnement et du patrimoine, de graves anomalies et atteintes au patrimoine sont signalées ici et là.
-La mosquée El Mansourah et sa tour, l'icône de Tlemcen, connaissent depuis quelques mois des travaux de restauration. Pour certains, c'est la clôture qui pose problème. «De l'avis de plusieurs spécialistes, ce genre de travail défigure la mosquée et touche à l'authenticité des lieux», dénoncent-ils. Selon eux, le monument sera relégué au second plan, d'autant que la meilleure des clôtures pour sauvegarder les ruines de Mansourah, c'est de reconstruire les remparts et créer un espace vert. «A la place, c'est un grillage de mauvais goût qui est en construction, déformant ainsi le site», accusent-ils. Les dégâts ne s'arrêtent pas là. Des travaux de terrassement en béton ont démarré, alors qu'il aurait fallu, selon les mêmes spécialistes, garder la topographie naturelle du site et mettre du gazon. Le monument subit les affres de l'urbanisation anarchique : «Une atteinte à l'environnement et à la beauté du site.»
-Le palais d'El Méchouar, l'ancien palais royal, est en reconstruction et le mur d'enceinte en restauration. Après d'intenses recherches archéologiques, les fouilles ont révélé les traces de diverses époques almoravide, almohade, zianide et ottomane. Résultat : un des quatre palais d'El Méchouar - Dar El Moulk, Dar Abi Fahr, Dar Essourour et Dar Erraha - est apparu à la surface, mais n'a pu être identifié. Les structures du palais qui sont organisées autour d'un grand bassin ont subi beaucoup de dégâts, notamment pendant la période coloniale. Des archives ayant trait au relevé effectué par le génie militaire français de 1843 ont été ramenées d'Aix-en-Provence en vue de cette intervention. Les travaux qui ont commencé il y a plus d'une année ont été confiés au bureau d'études Arcades qui supervise le projet, doté d'un budget de 100 millions de dinars. La date de livraison n'est pas encore été arrêtée.
-A l'Hôtel de ville, bâti sur les décombres de la Tachfinya à la place Emir Abdelkader (ex-place de la Mairie), les travaux traînent. L'état d'avancement de la restauration a atteint 70%. «Lorsque vous confiez les travaux à un entrepreneur non qualifié pour ce genre de travail, il est tout a fait normal de constater des lenteurs, des malfaçons, car les matériaux de l'époque n'ont rien à voir avec le ciment et les briques d'aujourd'hui. Cela nécessite un savoir-faire que nos entreprises sont loin de maîtriser», confie une source à la wilaya.
-La Grande Mosquée, construite il y a plus de neuf siècles par Youssef Ibn Tachfin, est à son énième opération de restauration. Les plus grands travaux de réhabilitation et d'aménagement ont été effectués au XVIIIe siècle par l'archéologue français Georges Marcais. A l'Indépendance, la mosquée a connu d'autres opérations sans résultats probants. Les travaux engagés il y a quelques mois sont toujours en cours. Seul le minaret, symbole de cette grande mosquée, a été livré. L'ouvrage a perdu sa couleur ocre pour laisser place à un blanc pas très esthétique au grand dam des Tlemcéniens. «Nous cherchons à savoir qui a décidé de la couleur», s'offusquent les habitants.

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Les Tlemcéniens «out» !
«Un mariage sans la famille» : c'est ainsi que qualifie le président d'une association locale les préparatifs de «Tlemcen, capitale de la culture islamique». «Notre ville accueille un prestigieux événement et nous ne sommes ni conviés ni sollicités pour y participer», s'offusque de son côté le président d'une association culturelle. L'interrogation est sur toutes les lèvres chez les intervenants culturels de la ville : «Comment se fait-il que le programme se chapeaute d'Alger alors que c'est Tlemcen qui est concernée ? Pourquoi ce sont des gens qui ne connaissent rien de Tlemcen, de son histoire, son héritage immatériel, ses us et coutumes, qui préparent l'événement ?» A en croire les associations culturelles de la capitale des Zianides, aucune d'elles n'a été retenue ou sollicitée dans le cadre de la préparation du programme de la manifestation.
Les autorités locales n'avancent aucune réponse aux plaintes de ces associations. «Nous ne comprenons pas le motif de notre écartement. Pendant longtemps, nous avons souffert de la bureaucratie dans l'octroi des aides financières, chose que nous avons passée sous silence. Aujourd'hui, la donne est tout autre, il s'agit de notre ville. Pourquoi elle nous est confisquée aujourd'hui ?» s'emporte l'animateur d'une association culturelle. Les craintes ne s'arrêtent pas là : «Nous avons peur que, lors des festivités, les autorités nous empêchent d'entrer en contact avec les délégations étrangères», se soucie un artiste local. Pour un élu de l'APW, «l'Etat ne pouvait pas confier les préparatifs aux autorités locales, ni la gestion aux associations, car elles ne sont pas en mesure de répondre à ce défi.
Certes, c'est Tlemcen qui abritera l'événement, mais là, il s'agit d'une grande manifestation internationale qui nécessite des compétences et des moyens dont Tlemcen ne dispose pas. Seul le pouvoir central est en mesure de le relever.» «On ne se sent pas concernés, rien n'indique que notre ville accueillera des milliers de visiteurs venus du monde entier», avoue Hamid, chauffeur de taxi. Le gérant d'un café mitoyen d'El Méchouar, n'a «rien prévu pour décorer le café… De toute façon, je ne suis pas concerné.» La fête risque d'être un gâchis et «de ne pas profiter aux Tlemcéniens».

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Hôtels, restaurants, transports : Le grand walou
Les optimistes disent que c'est une «belle occasion pour la ville pour renouer avec la culture et les échanges», mais les plus lucides avancent que «Tlemcen est une petite ville qui n'a jamais eu à organiser un grand événement».
Un tour dans la ville révèle beaucoup d'insuffisances au niveau de l'accueil et du transport. Lors de notre tournée, il était quasi impossible de trouver un hôtel correct, hormis les trois en vue, Le Maghreb, Agadir et Les Zyanides. Les prix de la chambre varient entre 2800 et 8000 DA. Pour ceux qui ne peuvent pas se permettre des chambres à un tel prix, ce sont des dortoirs qui leur sont proposés entre 600 et 1800 DA, avec des sanitaires collectifs.
Pour «Tlemcen, capitale de la culture islamique», de vieux hôtels sont en réfection et ont été, selon nos sources, réquisitionnés par les organisateurs. Presque aucun restaurant gastronomique n'existe à Tlemcen. Pour celui qui veut goûter à la cuisine traditionnelle, il se contentera de pizzas et de sandwichs ; la chawarma est très en vogue. Les délégations attendues pourront mettre un trait sur les sorties resto, à moins que les buffets qui seront offerts à l'occasion ne soient bien garnis. Hormis le téléphérique reliant le centre-ville au plateau Lala Setti, et qui tombe souvent en panne, la wilaya n'est dotée d'aucun moyen de transport moderne. Les rares bus publics n'ont pas d'heure fixe et les privés laissent à désirer. Le train dessert la ville presque toutes les deux heures et celui reliant Tlemcen à Oran, une seule fois par jour. Pour le transport aérien, Tlemcen n'est relié qu'à Alger, un aéroport français et un autre marocain.

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Les + de Tlemcen :
-11 milliards de dinars est le montant global investi pour la remise en forme de la ville octroyé par le ministère de l'Habitat pour contribuer à l'amélioration urbaine de Tlemcen.
-Du mouflon pour les émirs : Les émirs du Golfe ne rateront sans doute pas l'occasion pour se déplacer à Tlemcen. Leur attraction consistera en des parties de chasse au mouflon dans la réserve cynégétique de Moutas, dans la commune de Sebra, à 20 km de la ville. Le fils du colonel Kadhafi, accompagné d'officiels locaux lors de sa «visite privée» en 2008, se sont également adonnés à la chasse au mouflon, pourtant espèce protégée. L'Etat a déboursé 150 millions de dinars pour la réhabilitation et l'équipement de la réserve Moutas.
-Les grottes des Beni Ad à Aïn Fezza sont une merveille de la nature avec leurs féeriques stalactites et stalagmites.
-La station thermale d'El Ourit a été récemment ressuscitée grâce au sauvetage de son système hydraulique par les services de la wilaya. On peut désormais contempler ses légendaires cascades.
-Le mirador, une tour d'observation (télescope) de six étages installé sur le plateau de Lala Setti, a connu des défaillances lors de sa mise en marche. Selon des archéologues, de cette tour et en temps clair, on peut voir la mer de Honaïne.
La Maison du parc national est une sorte de palais andalou. La maison renferme un auditorium de 600 places et des suites haut standing pour les visiteurs VIP.
-Dans le Complexe historique de la Wilaya V, un gigantesque building luxueux abritant, une salle de conférences et un musée, on peut admirer un tableau de Abdelkader El Mali, «nom de guerre» du président de la République, en tenue militaire.


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