Un quart de siècle après sa mort, Hadj M'hamed El Anka continue d'être adulé par ses admirateurs, dont un grand nombre se recrute dans la plupart des anciens quartiers de Tigditt, Tobbana ou Beymouth. Car, bien avant son apogée au firmament de ce genre musical si particulier qu'il aura été le seul à imposer, Hadj M'hamed El Anka ne se lassait jamais de venir à Mostaganem pour y faire provision de qaçayds (poèmes) auprès, notamment, de cheikh Hamada et de Hadj Lazoughli, lui-même poète et compositeur. Il est de notoriété qu'une amitié très profonde liait El Anka à cheikh Hamada qui excellait dans le genre bédouin, dont il demeure l'un des plus illustres représentants. Quelques années avant sa mort, Mohamed Rachid, qui était la mémoire vivante du chaâbi, nous rappelait que c'est grâce à cheikh Hamada qu'El Anka accédera aisément au répertoire populaire marocain que le jeune Gouaïch était allé rassembler au pays de Mohammed V. C'est entre les deux guerres que le chanteur natif de Touahria fera connaître les sublimes poèmes de M'barek Essoussi (Youm El djemaâ, entre autres), d'El Meghraoui, de Masmoudi ou de Nedjar (Mersoul Fatma). Mais c'est sans doute par là que le jeune El Anka trouvera sa propre voie. Car, le genre qu'il venait de peaufiner, au grand dam des tenants du genre andalou, manquait terriblement de paroliers. Une véritable aubaine que ce chanteur bédouin au long cours qui eut le premier le grand mérite d'aller à la source faire provision de textes qui deviendront rapidement des classiques du répertoire chaâbi. Par ailleurs, les nombreux voyages à Mostaganem allaient permettre au cheikh d'accéder directement à la nomenclature de Lakhdar Benkhlouf. Ce poète guerrier est sans aucun doute le plus prolifique non seulement de sa génération, mais également de l'ensemble du Maghreb. Natif de la région, certains de ses poèmes seront édités par Bakkhoucha, en 1934. Mais ce recueil n'était qu'un avant-goût de ce que la mémoire populaire pouvait receler comme trésors. C'est ainsi qu'à chaque déplacement, le maître du chaâbi revenait avec quantité de poèmes puisés à bonnes sources. Il se dit qu'à chaque soirée, c'est Hadj Lazoughli en personne qui lui apportait quelques correctifs que le chanteur acceptait avec reconnaissance. L'idée de lui rendre un grand hommage au pays de Benkhlouf, qui avait émergé dès sa disparition.