Les mesures prises par le gouvernement de Mohammed El Ghannouchi dit d'union nationale n'ont pas suffi pour convaincre une rue tunisienne qui est entrée en dissidence contre tout le régime et ses symboles. Hier encore, plusieurs villes du pays ont été marquées par des manifestations populaires exigeant la dissolution de l'actuel gouvernement dominé par des figures de l'ancien régime et la mise en place d'un nouveau gouvernement de «salut national» que dirigerait une personnalité indépendante. Les syndicats et les partis politiques, appuyés par une rue plus que jamais déterminée à faire triompher sa révolution, resserrent l'étau autour du gouvernement de Mohammed El Ghannouchi, déjà fragilisé par la démission de quatre ministres appartenant à l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et au Forum démocratique pour le travail et les libertés. Une grève illimitée est annoncée dans l'enseignement primaire dès demain, alors que les étudiants menacent de paralyser les facultés du pays lors de la reprise des cours, annoncée pour mardi prochain. Les manifestations d'hier ont vu la participation en nombre important de policiers en civil et en uniforme réclamant la création d'un syndicat de la police. Des agents, qui manifestaient devant le siège du gouvernement, ont bloqué un moment l'accès à la voiture du président tunisien de transition, Fouad Mebazaa, avant d'être écartés en douceur par des collègues en service. D'autres témoins rapportent que les policiers réclamaient également «le jugement des officiers qui leur ont donné ordre de tirer sur les foules lors des manifestations». Un fait inédit qui ne peut se produire que dans des situations révolutionnaires. Dans plusieurs entreprises publiques, les travailleurs ont carrément chassé les patrons imposés par le président déchu, comme ce fut le cas à l'entreprise des transports. En fin de journée, des informations faisaient état du départ des manifestants du centre-ouest du pays qui ont entamé une marche dénommée «Caravane de la libération» sur la capitale pour exiger le départ et la dissolution du gouvernement, a indiqué une avocate de la région de Regueb, ajoutant que «des marches vers la capitale vont partir de toutes les régions qui ont connu les événements les plus sanglants au début de la révolution». Au niveau politique, l'opposition radicale multiplie les contacts pour unir toutes les forces politiques et sociales afin d'imposer «un vrai gouvernement de salut national et l'élection d'une Assemblée constituante», a indiqué le militant des droits de l'homme, maître Abderaouf Ayadi. De son côté, l'UGTT met la pression pour la dissolution du gouvernement El Ghannouchi. Joint par El Watan, son secrétaire général, Abdessalam Jrad, a estimé que «tant que les figures de l'ancien régime sont au gouvernement, nous allons manifester dans la rue». «Je viens de sortir (hier, ndlr) d'une réunion avec le président par intérim, Fouad Mebazaa. Je lui ai fait part de la nécessité de dissoudre ce gouvernement et former un autre sous la direction d'une personnalité indépendante et sans les hommes qui nous rappellent la dictature.» M. Jrad a ajouté que «le président par intérim a exprimé sa compréhension quant à la légitimité de la revendication et il fait montre d'une souplesse ainsi que sa volonté à étudier sérieusement la question. Il n'est pas totalement contre la dissolution du gouvernement El Ghannouchi», a affirmé le secrétaire général de l'UGTT.