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L'avocat, l'émeutier, le harrag et l'immolé
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Publié dans El Watan le 23 - 01 - 2011

Le bâtonnier national, Menad Bachir, a indiqué récemment au quotidien El Khabar que son organisation ne défendra pas à titre bénévole les jeunes qui ont été arrêtés lors des dernières émeutes.
«Défendre les émeutiers à titre bénévole est un acte politique», affirme Menad. Et d'ajouter : «Nous n'adopterons pas une affaire de destruction des biens publics et privés, et nous n'allons jamais mobiliser les avocats pour défendre ces détenus.» Malencontreuse confusion des genres ; l'émeutier n'est pas un casseur ; la casse n'est qu'une excroissance, un dommage collatéral de l'émeute, définie par le dictionnaire comme étant un soulèvement populaire, un mouvement, une agitation, une explosion de violence. La casse n'est pas inévitablement dans l'émeute, elle n'en constitue pas un élément de définition. La défense régresse comme les libertés dans ce pays, elle abandonne ses grands messages, démissionne de ses charges historiques et s'aligne comme les autres institutions sur les desseins du pouvoir. Une régression stérile et contreproductive s'enregistre avec amertume. En 1988, j'étais alors jeune avocat et quelle fut ma fierté en voyant la corporation à laquelle je venais d'adhérer se hisser au niveau de l'événement et prendre des positions noblement politiques et historiques.
En synthèse, la résolution était de prendre en charge dans le cadre de la constitution d'office tous les dossiers liés aux événements d'octobre. Une cellule avait été mise en place pour assister les familles et les informer sur la situation des gamins chahuteurs et sur les lieux de leur détention ; une permanence était instaurée au niveau des prisons et des bâtonnats. Les avocats constitués par les familles avaient été invités à se retirer et à restituer les honoraires, la défense devenait d'office l'affaire des barreaux. Pour le souvenir et l'anecdote, le barreau m'avait désigné, moi jeune stagiaire, pour assurer le suivi du déroulement des affaires liées aux événements. Je m'étais investi dans cette tâche avec beaucoup d'assiduité et de sérieux, un mélange de fierté, d'enthousiasme et de plaisir. Vingt-deux ans sont passés ; nous mesurons avec tristesse et amertume l'étendue du chemin de la régression.
La corporation affiche ses certitudes ; elle ne défendra pas «bénévolement» les casseurs et les destructeurs de biens publics et privés. Pourtant, cette même organisation, par le biais de ses représentants attitrés, avait, il n'y a pas longtemps, affiché sa disponibilité à prendre les dossiers de la réconciliation nationale ; c'était aussi, on s'en doute, une position politique. Nous nous étions insurgés, en ces temps-là et dans ces mêmes colonnes, contre la déclaration de cet ex-bâtonnier qui avait déclaré, intempestivement à nos yeux, que la corporation des avocats soutenait la politique de réconciliation et qu'elle était prête à prendre en charge les dossiers de la tragédie nationale. Curieux renversement des situations et politisation sélective, honteuse évolution à contresens de l'histoire.
Pitoyable inconséquence et déplorable paradoxe de défendre et d'office le terroriste parce que victime, mais aussi acteur coupable d'une tragédie nationale et d'abandonner l'émeutier, victime quelque part d'un système révoltant, coupable d'une contestation violente probablement, délictuelle peut-être, mais sans doute pas criminelle.
Dans l'émeutier, le délit de droit commun et celui politique se confondent, le terrorisme est un crime tout simplement auquel on s'obstine à donner encore et toujours un sens politique.
Dans les deux cas, chez l'émeutier comme chez le terroriste, la délinquance et la criminalité politique et celle du droit commun se mélangent à des doses différentes. Dans la grande gamme des demi-teintes, la décantation n'est pas aisée et parfois impossible. Alors, pourquoi en dépit de la différence des degrés de gravité entre l'émeute et le terrorisme la corporation des avocats réserve un traitement différentiel à ces deux catégories juridico-politiques.
Pourquoi afficher une volonté de prise en charge par l'organisation des dossiers de la réconciliation nationale, y compris ceux des terroristes, et rejeter sans distinction les émeutiers.
Pourtant, la sagesse élémentaire prescrit qu'entre deux dérives, il faut préférer la moindre.
Par ailleurs, en matière de terrorisme, l'ex et le futur se confondent, un ex est un potentiel futur terroriste. Le chemin de la rédemption se fait toujours dans les deux sens ; quand on a été terroriste, on risque toujours de le devenir ou plutôt de le redevenir.
Un émeutier qu'on abandonne et que tout le monde condamne (y compris celui dont la fonction prédispose à le comprendre et défendre) ne trouvera d'autre alternative que le maquis pour tuer et se faire tuer, la mer pour la harga et la mort probable ou enfin le feu pour s'immoler et mourir, certainement, d'une façon atroce.
Le bâtonnier national, auteur de la condamnation sans appel des casseurs, ne semble pas avoir l'orientation d'affranchir la corporation de toute position politique, comme il se plaît à le déclarer, mais plutôt voudrait la placer dans le politiquement correct, à savoir le soutien de l'ordre établi et d'un système exécrable.
- Défendre les émeutiers bénévolement est sans doute un acte politique, il faut l'accorder au bâtonnier en chef, mais les considérer aussi comme de simples casseurs inéligibles à un soutien d'office par la défense est tout autant une position politique. Le bâtonnier national voudrait écarter l'organisation des avocats de toute position politique tout en lui suggérant la sienne. Cette déclaration est inopportune et n'avait pas lieu d'être faite car elle pousse vers le piège qu'elle déclare vouloir éviter.
En outre, une pareille déclaration de principe nécessite la consultation de toute la corporation. Deux grands reproches au passif de cette assertion péromptoire, un vice de fond et un vice de forme. Le barreau algérien se désolidarise de ceux qui portent la contestation même avec dépassement et maladresse, tout comme Dieu hait le péché mais aime le pécheur. On peut condamner l'émeute et défendre l'émeutier. L'émeute est un acte politique et doit être traité et soutenu comme tel. Le considérer comme une simple casse et un délit de droit commun est une affreuse banalisation indigne de la défense. L'avocat est le défenseur des libertés individuelles et collectives. Il est, dans le prétoire et en dehors de celui-ci, l'allié de celui que tout le monde accuse et condamne. Cela ne doit nulle part et à aucun moment être oublié car il s'agit de la philosophie fondamentale de l'avocat et de la défense. Il est nettement préférable de voir l'avocat dévier vers une défense de l'anarchie que de le voir se pervertir et dégénérer en défenseur de l'ordre établi, ce serait la plus grande des trahisons.
L'avocat se doit de se solidariser avec l'émeutier, le harrag et celui qui s'immole.
La déclaration du bâtonnier national est un passage en sens interdit en franchissant une ligne continue, une mutation ou plutôt une dégénérescence, du défenseur allié de l'individu et des droits de l'homme en un inquisiteur qui se met au service du système. Les avocats tunisiens ont inscrit leur profession dans une page glorieuse en se tenant, en robe à côté des «émeutiers», comme des émeutiers. Qu'ils trouvent ici l'expression de mon humble et profond hommage.


Nasr-Eddine Lezzar. Avocat


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