En montant au créneau de façon inattendue à propos de la délinquance grandissante dans nos villes qu'il assimile à du véritable banditisme, le président de la République touche du doigt une des réalités sociétales qui empoisonnent la vie des Algériens. Après des années de terrorisme ravageur qui s'est heureusement considérablement estompé, ceux-ci font face depuis peu à une recrudescence d'actes délictueux souvent perpétrés par des groupes de jeunes dont on n'arrive pas à expliquer la brutalité excessive. Que ce soit contre des vieilles femmes ou des jeunes filles, des hommes ou des vieillards, l'agression est toujours payante. Entourée de trois ou quatre gaillards, un couteau sous la gorge, la victime n'a d'autre alternative que de s'exécuter, souvent sous l'œil désabusé des badauds. Et les plaintes qui s'entassent dans les commissariats ou les gendarmeries sont parfois classées sans suite pour plusieurs raisons. Avant tout, la très forte densité de la population dans nos villes ne permet ni à la police urbaine ni à la gendarmerie nationale d'opérer une couverture sécurisante de tous les instants. Des lieux publics comme les marchés communaux sont devenus de véritables coupe-gorges et quelques artères passantes de véritables espaces de non-droit où règnent le vol à l'arraché et l'agression à l'arme blanche. Certaines cités dites populaires de la périphérie n'ont aujourd'hui rien à envier aux favelas brésiliennes ou aux bidonvilles de Colombie. Les bandes de délinquants ont pignon sur rue et les flics se terrent dans les commissariats. Pourquoi en est-on arrivé là ? C'est la conséquence, à notre humble avis, de la mauvaise sensibilisation des préposés à l'ordre, à ce qui touche au respect du citoyen et à la sauvegarde de sa quiétude. S'il est vrai qu'aujourd'hui il y a une évolution sensible des droits humains, notamment dans les commissariats lorsque des personnes font l'objet d'investigations, la présence policière est à peu près invisible dans nos rues, à telle enseigne que le citoyen se sent abandonné par l'autorité publique face à de jeunes délinquants armés, déterminés, auxquels rien ne fait peur. Le président Bouteflika a profité de l'occasion de la cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire pour mettre le doigt dans la plaie sans avoir conscience que les milliers de délinquants qu'il gracie occasionnellement n'ont d'autres débouchés « professionnels » que de retourner à la délinquance. Au-delà d'un discours de circonstance, la sécurité publique doit prendre place dans le débat national comme une priorité majeure du Président, tel que ses prédécesseurs l'ont fait pour l'anéantissement du terrorisme. Car c'est là aussi un fléau qui, s'il vient à être négligé, risque de compromettre durablement toute évolution positive de la société.