Depuis environ 20 ans, Madrid et Barcelone se font une rude concurrence pour représenter la capitale de la mode ibérique, et ce, malgré la conjoncture économique peu favorable. Deux fois par an, en février et septembre, les podiums de La Pasarela Gaudi de Barcelone et de La Pasarela Cibeles de Madrid accueillent des défilés de mode. Si la Pasarela Cibeles de Madrid est réputée plus commerciale, la Pasarela Gaudi fait figure de laboratoire de tendances et de tremplin pour la génération montante, notamment à travers son défilé collectif de jeunes créateurs. Barcelone a une tradition industrielle mais la presse se concentre à Madrid attirant les grands noms de la mode espagnole. Selon certains commentateurs étrangers, la semaine de la mode de Madrid, qui s'est tenue en 2003, s'est illustrée « par des collections dont l'ambition commerciale prévalait sur l'ambition créatrice et technique ». La Pasarela Cibeles tente de s'imposer comme la vitrine du prêt-à-porter espagnol au détriment de sa rivale, la Pasarela Gaudi, jugée plus avant-gardiste. Les deux manifestations rivales espagnoles « ne sont pas dans le circuit européen » et « le maintien de cette dualité, qui n'existe pas même dans les grands pays de la mode y contribue sans doute », ajoutait, au début 2004, sa directrice de communication. Selon le journal El Mundo, la situation est tellement désespérante que les deux organisations rivales se battent à coups de chéquiers pour s'arracher les créateurs espagnols qui n'ont pas déjà décidé de déserter leur pays pour New York, Milan ou Paris. A Madrid comme à Barcelone, les défilés sont gratuits pour les créateurs, qui ailleurs sont obligés de payer cher de leur poche différentes prestations : casting, maquillage, sécurité et autres infrastructures, mais il est versé à certains des dizaines de milliers d'euros en plus, au titre d'aides à la conception du défilé. La styliste espagnole, Agatha Ruiz de la Prada, qui a ouvert la semaine de la mode de Madrid après avoir défilé à Barcelone (deux défilés rivaux qui nuisent l'un à l'autre) fut, un temps, otage d'une association professionnelle madrilène qui l'empêchait de défiler dans la capitale catalane. Depuis, elle a opté pour la conciliation des deux : faire la femme à Madrid et l'homme à Barcelone. Son succès remonte à 1998, année où elle lance une collection de papeterie qui a connu un succès sans précédent et non démenti à ce jour, à base de couleurs fluo, de grosses fleurs et de cœurs. Ses meilleures ventes, assure-t-on à son atelier de Madrid, sont les vêtements pour enfants et les parfums. La styliste Agatha dessine également des azulejos, des brosses à dents, des jouets... En mai 2004, cette aristocrate avait fait sensation, en se présentant au mariage du prince héritier Felipe avec Letizia Ortiz à Madrid dans une tenue rouge, jaune et mauve, soit à peu près les couleurs du drapeau de la défunte République espagnole. Le drapeau en question est rouge, jaune et violet, mais « il n'y a pas d'ambiguïté », assure-t-elle, « un mariage comme ça c'était un peu ridicule, il fallait faire preuve d'ironie ». R. M.