Restrictions en termes de libertés individuelles, entraves à la liberté d'expression et de réunion, harcèlements et marginalisation des cultes autres que l'Islam,… au cours de l'année 2010, l'Algérie n'a, encore une fois, pas brillé par son respect des droits de l'homme. L'ONG Human Rights Watch (HRW) ne manque d'ailleurs pas de le rappeler dans son rapport 2011, qui passe au crible les événements de l'année écoulée. Dans le bilan établi par l'organisation, la situation des citoyens algériens n'est pas reluisante. «L'Algérie a continué de connaître des violations généralisées des droits humains en 2010. L'état d'urgence – imposé en 1992 et renouvelé pour une durée indéterminée par décret en 1993 – a créé un cadre propice à des restrictions généralisées pesant sur la liberté d'expression, d'association et de réunion», est-il déploré, d'emblée, dans le rapport. Et HRW est prolixe quant aux entraves faites aux libertés, quelles qu'elles soient. De la presse tout d'abord. «Les médias audiovisuels sont contrôlés par l'Etat et proposent la retransmission en direct des sessions parlementaires. En revanche, ils ne diffusent presque aucune émission critique sur les politiques gouvernementales», énoncent les rédacteurs du document. Quant aux journaux privés, ils bénéficient d'un espace «considérablement plus libre», mais les lois répressives sur la presse et leur dépendance vis-à-vis des revenus de la publicité du secteur public «limitent leur liberté de critiquer le gouvernement et l'armée», explique HRW. Les journalistes et les publications indépendantes sont ainsi «régulièrement poursuivis par les procureurs», pour diffamation ou injures à l'encontre de représentants de l'Etat. Actions judiciaires à l'issue desquelles des condamnations à de la prison et à de fortes amendes sont prononcées. Puis HRW de citer plusieurs cas illustratifs de cet acharnement procédural et carcéral. Rabah Lemouchi, correspondant du quotidien national arabophone Ennahar à Tébessa, Belkacem Belhamidèche, directeur et journaliste au quotidien francophone Réflexion à Mostaganem, ou encore Saleh Souadi, journaliste pour El Khabar à Médéa. Entraves aux libertés, même de culte De même, de graves entraves à la liberté d'activité des associations et autres représentants de la société civile sont épinglées par l'ONG dans son rapport annuel. «Un décret de 2000 interdisant les manifestations à Alger demeure en vigueur», est-il rappelé dans le document. Ce qui laisse le champ libre à la répression et autres dépassements. Dispersion, parfois par la force, des rassemblements de SOS disparus, interdictions des réunions des organisations de défense des droits humains ou des associations qui promeuvent les droits de la population kabyle d'Algérie, comme la LADDH et le Congrès mondial amazigh, ou encore la fermeture de la Maison des syndicats. Par ailleurs, déplore HRW, les autorités algériennes refusent fréquemment d'accorder des visas d'entrée aux journalistes et aux activistes des droits humains. L'autre grave transgression des principes élémentaires des conventions des droits de l'homme est le non-respect de la liberté de culte. La Constitution algérienne, qui fait de l'Islam la religion d'Etat et exige du président qu'il soit musulman, garantit aussi la liberté de culte. Pourtant, «le droit algérien criminalise le prosélytisme des non-musulmans auprès des musulmans, mais pas le contraire, et interdit aux non-musulmans de se réunir pour prier, sauf dans des lieux approuvés par l'Etat», explique HRW. Toutefois, dans la pratique, les autorités «accordent rarement aux groupes de protestants algériens la permission d'utiliser des bâtiments pour leur culte et les fidèles risquent des poursuites». Et le rapport de rappeler les condamnations de chrétiens à Larbaâ Nath Irathen ou encore à Mila. Pour ce qui est du dossier des victimes du terrorisme, l'ONG déplore qu'à ce jour la lumière n'ait jamais été faite sur «les troubles politiques» qui ont fait des centaines de milliers de morts et des milliers de disparus. «La loi de 2006, dite ‘charte pour la paix et la réconciliation nationale', instaure un cadre légal pour l'impunité persistante dont bénéficient les auteurs des atrocités de cette période», est-il dit dans le document. Ce qui pourrait expliquer que le gouvernement algérien n'ait pas adressé «d'invitations aux cinq mandataires de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui l'avaient demandées, parmi lesquels le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et le rapporteur spécial sur la torture et les droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme», déplore l'ONG. Toutefois, est-il précisé, «l'Algérie a annoncé l'envoi d'invitations à visiter le pays courant 2011 à sept autres rapporteurs spéciaux, dont le rapporteur spécial sur la violence contre les femmes et le rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression».