Etre au pouvoir donne des idées à des femmes de présidents qui veulent devenir aussi puissantes que leurs maris. Voler de l'or comme Leïla Trabelsi, appeler au meurtre des partisans de Ouattara, comme Simone Gbagbo, ou trafiquer des diamants comme Grace Mugabe, les épouses de dictateurs jouent souvent un rôle central dans la vie économique et politique de leur pays. En Tunisie, Ben Ali était honni de la grande majorité de la population tunisienne, mais une personne était sans doute encore plus détestée que lui : sa femme. Entourée de sa famille, Leïla Trabelsi avait mis la main sur une grande partie des richesses du pays. Elle avait créé un véritable système familial mafieux. Elle aurait même, dans un dernier coup d'éclat, dérobé 1,5 tonne d'or dans les réserves de la Banque nationale avant de s'enfuir du pays. Un casse d'une valeur de plus de 45 millions d'euros. Si l'affaire n'a pas encore été confirmée, personne n'a été surpris par l'hypothèse, tant cela correspond au profil du personnage. Leïla Trabelsi ou Simone Gbabgo, comme d'autres, semblent incarner la femme de dictateur moderne : impliquées dans les affaires de l'Etat, sans scrupules, aussi puissantes que des ministres, voire que leurs maris, et donc, le plus souvent, autant détestées. De l'effacée à la mafieuse Pour Diane Ducret, auteure de Femmes de dictateur, paru en janvier 2011 aux éditions Perrin, ce profil type «commence à partir surtout des années 1980. Dans la première moitié du XXe siècle, derrière Hitler ou Mussolini, ce sont des femmes effacées qui adhéraient aux idées de leurs maris». Elles subissent en silence et meurent avec eux. Mais ensuite, toujours selon Diane Ducret, «l'époque a changé. Avec l'effondrement des grands systèmes totalitaires, les dictateurs vont devoir montrer patte blanche, faire preuve d'un semblant de démocratie. Leurs femmes vont donc combler les espaces de l'ombre disponibles, et créer leurs propres réseaux». A Ben Ali les accolades avec les personnalités, à Leïla Trabelsi la gestion du système corrompu. Selon Diane Ducret, «comme il n'y a jamais eu de femmes dictateurs, le fait qu'elles participent à ce genre de régime, c'est incompréhensible pour les gens. Normalement, la femme, c'est la figure de la maternité, la figure de la protection. Du coup, on ne leur pardonne pas». Trois femmes peuvent incarner, selon l'auteure, ce passage de la femme au foyer effacée à la mafieuse sans scrupules : Jiang Qing en Chine, Eva Peron en Argentine et Elena Ceausescu en Roumanie. Ainsi, si Mao garde, a posteriori, à peu près une bonne image pour une partie de la population chinoise, sa dernière et quatrième femme, Jiang Qing, est vraiment détestée.«Longtemps tenue à l'écart de la vie publique, la révolution culturelle lui permet de monter sur scène, de régler ses comptes avec ses ennemis, nombreux, et d'orchestrer une nouvelle politique dans le domaine artistique», raconte le sinologue Claude Hudelot dans son livre Le Mao. Diane Ducret note que ce sont «souvent des femmes d'origine très modeste, souvent sans éducation, pas du tout des femmes de bonne famille. Elena Ceausescu savait à peine lire, Leïla Trabelsi était coiffeuse dans un quartier pauvre. Elles vont toujours alors essayer d'acquérir une légitimité». Au fil du temps, ces femmes recherchent juste le pouvoir et l'argent, tout comme leurs maris.