Avant de quitter la Tunisie, fin décembre 2010, Leïla Trabelsi, seconde épouse du dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali, a pris dans ses bagages une quantité impressionnante d'or. Des lingots volés à la Banque centrale de Tunisie, comme dans un film de série B. Les services secrets français, qui ont organisé cette semaine la fuite de cette information, ont découvert que Leïla Trabelsi, coiffeuse de métier et fille d'un marchand de fruits, a détourné 1500 lingots d'or d'une valeur estimée à presque 50 millions de dollars ! Le gouverneur de la Banque centrale n'a eu aucun choix devant les désirs ravageurs de l'ex-première dame de Tunisie. Leïla Trabelsi, adepte du bling bling et du kitch, est une véritable croqueuse de diamants. Epaulée par dix frères et sœurs, elle a, depuis l'arrivée du colonel Ben Ali au pouvoir après le fameux coup d'Etat médical contre Habib Bourguiba, en novembre 1987, engagé une vaste opération d'expropriations, de détournements de fonds, de corruption et d'affaires en tout genre. Le chef de file du clan, Belhassen Trabelsi, époux de la fille du patron des patrons tunisiens, a arraché à ses propriétaires plusieurs biens comme la compagnie aérienne Karthago Airlines. Selon le site Bakchich.info, Karthago Airlines s'est vite spécialisée dans le siphonage de la compagnie nationale Tunisair. Belhassen Trabelsi s'est imposé, alors qu'il n'est pas qualifié, au conseil d'administration de la Banque de Tunisie (BT) et d'autres établissements financiers. Il est également patron d'une usine de montage automobile et d'une série d'hôtels. D'après la journaliste française Catherine Graciet, co-auteur avec Nicolas Beau de l'essai La régente de Carthage, les Trabelsi ont fait main basse sur toutes les banques tunisiennes. «La spécialité de Leïla Ben Ali reste la prédation économique au profit des siens (…) Elle se réunissait avec son clan dans le salon bleu du palais présidentiel de Carthage pour se demander sur quel bien immobilier il fallait faire main basse», est-il écrit dans ce livre, longtemps interdit en Tunisie. Selon le journaliste opposant Slim Bagga, Leïla Trabelsi, actuelle présidente de l'Organisation de la femme arabe (OFA), fait des affaires à l'international et place amis et proches. «Elle a ordonné aux administrations de la prévenir dès qu'un projet supérieur à un million de dinars (environ 600 000 euros) est en gestation», a-t-il relevé. Aucun investissement n'est possible en Tunisie sans que la belle-famille de Ben Ali n'y ait sa part. Certains hommes d'affaires algériens en connaissent un bout ! En véritable marraine du clan maffieux, Leïla Trabelsi tranche pour qui l'affaire ira dans le cas où celle-ci attire son appétit. Elle a une préférence pour le sulfureux Sakher El Materi, son gendre. Ce jeune homme n'hésite pas à prendre l'avion présidentiel, financé par le contribuable tunisien, pour s'offrir des soirées bien arrosées dans les capitales européennes, quand il veut et où il veut. Il dresse des tigres dans ses jardins ! Il y a aussi son neveu, Imed Trabelsi – décédé vendredi 14 janvier 2011, poignardé dans un marché – qui était aussi un de ses préférés. Il s'est rendu célèbre par le vol d'un yacht en France, ce qui lui a valu des poursuites par la justice française. Connu également pour le racket immobilier et agricole, Imed Trabelsi, devenu maire de la localité touristique de La Goulette, avait la main haute sur la grande distribution à travers les magasins de meubles Bricorama. Zine El Abidine Ben Ali, l'homme aux éternels cheveux noirs, laissait faire sans rien dire. Il se contentait de récupérer les fruits de la prédation et d'en savourer le goût. D'après la revue américaine Forbes, la fortune personnelle de l'ex-maître de Tunis dépasserait les 5 milliards de dollars avec des biens immobiliers partout dans le monde. Les avoirs des Trabelsi et des Ben Ali – les filles du président tunisien ont épousé les quatre hommes les plus riches de Tunisie – sont, entre autres, placés à Dubaï, à Malte, en Suisse et en France. Aujourd'hui, selon les experts, les 10% les plus riches de la population tunisienne perçoivent le tiers des revenus du pays. Les Trabelsi y sont bien placés. La Révolution du jasmin en a décidé autrement. Tant mieux pour le tiers des Tunisiens qui se contentent, depuis plus de vingt ans, de vivre de presque 9% seulement du PIB.