4-4-2-1. Comme dans une partie de football, le schéma prône une occupation maximale du milieu de terrain. Et c'est ce qui s'est bien passé à El Kseur, jeudi 24 novembre, à l'occasion des élections partielles. Renfort policier, ville quadrillée, centres de vote ceinturés, candidats sur le terrain, militants de partis sur leurs gardes... le centre-ville d'El Kseur ne pouvait prétendre à meilleure mobilisation. Au-delà de la relative reconfiguration politique qui a relancé le RCD et revigoré le FLN (4 sièges chacun), déclassé le FFS (2) et enfanté le MSP, avec un taux de participation de 16,97%, le schéma a quelque peu bousculé la tradition qui a fait d'El Kseur une ville longtemps fermée au vote. Quartier Aïn Lahlou, école Hamoumou Akli, 10h. Premier chiffre : 130 suffrages exprimés. « Pour un début, c'est excellent. » Le chef de centre se montre détendu. Il est moins stressé qu'il y a trois ans. Il est vrai qu'en octobre 2002, encore plus en avril 2004 et lors du référendum dernier, on s'est assis sur un chaudron. Des voix, on n'en a pas compté depuis les élections troublées de 2002. Nous sommes au centre du quartier de Ali Gherbi, le leader du comité de la société civile d'El Kseur (CSCEK), qui a animé la veille un meeting anti-scrutin. Jeudi dernier, l'école Hamoumou, par où est passé l'instituteur Ali Gherbi, a reçu une volée de pierres peu après son ouverture. Midi, 340 bulletins de vote sont dans les urnes. Plus de 600, 2 heures plus tard. Ce sont les chiffres de l'administration. Dehors, et à deux pas de là, il a plu des cordes et ... des lacrymogènes. Nous sommes au quartier chaud de Berchiche, le foyer par excellence du bouillonnement. Traditionnellement, c'est d'ici que partent les étincelles. Sur le vieux pont, autour du CFPA et aux alentours de l'école Ghanem Nacer, des brigades anti-émeute sont en poste. A premières escarmouches, premières interpellations. Vote sur fond d'hostilités Quelques jets de pierres sur l'école primaire ouvrent les hostilités. Un CNS est blessé et s'en sort avec quelques points de suture. Quelques flopées de pierres plus tard, à l'intérieur du centre de vote, on en est à la petite comptabilité des suffrages. Midi, quelque 190 votants. C'est déjà ça. En 2002, ce centre a subi un assaut presque à son ouverture. « C'est à peine si on avait réussi à sauver les listes matrices », se souvient le chef du centre. Loin d'ici, au siège du RCD, les inquiétudes sont ailleurs. Plutôt dans les détails techniques de l'opération de vote. « Nous avons voté les premiers pour ouvrir la voie au reste des électeurs », nous disent des candidats du parti. On répond promptement à la demande de moyens de transport émanant de sympathisants du parti. Le RCD revendique un ancrage à Aït Garet, un douar de 17 villages, à 25 Km au nord-ouest d'El Kseur, et qui est pour beaucoup dans l'arrivée de da Mahmoud Barka et de son équipe d'alors à la tête de l'APC, en 1990. Le siège du parti est situé sous la mairie. Son retour à l'Assemblée communale se fera donc à coup d'une enjambée. « Les gens du FLN et du RCD sont à Bouzoulem depuis ce matin. » Une voix invite les militants et candidats à plus de mobilisation sur le terrain. Au siège du FFS, l'ambiance n'est pas moins électorale. Pour la protection du scrutin, les partis ont choisi de faire cavalier seul. « Pour tout début de trouble, nous saisirons la daïra. Si rien n'est fait, c'est nous qui interviendrons. Nous sommes au bout du rouleau », nous affirme Mokhnache Akli, directeur de campagne à El Kseur. Notre interlocuteur a des appréhensions : « L'encadrement des bureaux de vote et celui de la commission de contrôle communale est discutable. » Il suspecte même des « manœuvres frauduleuses en faveur du FLN ». Au FFS, on veut surtout effacer le « traumatisme de 2002 ». « Je sais que, cette fois-ci, des délégués des archs ont voté », nous dit M. Mokhnache. Une chose est sûre, l'ombre du CSCEK a bien plané sur cette élection. Du fait, un autre sigle devait voir le jour. L'Union el kseuroise pour la sauvegarde de la commune (UEKSC) s'est attelée à défendre le droit d'élire « un maire à la tête de la commune à l'instar de toutes les communes de la Kabylie ». 16h, on respire les derniers gaz lacrymogènes alors que les ultimes foyers de tension sont poussés vers la ville. Les grenades sont lancées jusque dans la rue Mokhnache l'Hachemi. Face à des émeutiers parsemés. Le chasse-neige de la police investit la rue Salhi Hocine, à un pas du plus important centre de vote d'El Kseur, l'école des frères Yahiaoui, qu'un groupe de trois femmes vient de quitter. 70 femmes sur les 600 votants comptabilisés pour l'APC y ont voté. Autour de la Place de la mairie, le climat est tout autre. Dans le café du coin, CNS et jeunes clients ont rempli la petite salle. Entièrement absorbés par le match télévisé (Chlef-JSK). C'est ce moment qu'a choisi un arc-en-ciel pour colorer furtivement le ciel. 19h, le dépouillement. Nous appelons Ali Gherbi. « C'est l'émeute un peu partout en ce moment à El Kseur. C'est de la provocation. La population a rejeté le scrutin », au téléphone la voix de notre correspondant est parasitée. Il a continué à pleuvoir à El Kseur. Il a plu des verses.