La situation politique en Egypte suscite de vives inquiétudes dans les milieux financiers, mais surtout au sein des marchés pétroliers, craignant des conséquences fâcheuses sur le transit par le canal de Suez des livraisons de pétrole. Même si la menace ne pèse pas pour le moment directement sur le transit maritime par le canal de Suez, les appréhensions dominent dans les salles des marchés de Londres, Paris ou Tokyo. Wall Street avait même dévissé lundi, préoccupée par les informations en provenance d'Egypte. Près de 7,5% du commerce mondial, dont 1,6 million de barils de brut correspondant à un total de 14% du transport maritime mondial, passent par le canal de Suez. Sa fermeture entraînerait des conséquences inimaginables, estiment des analystes de marchés. En 2009, l'Egypte faisait état du passage par le canal de plus de 34 000 bateaux, parmi lesquels près de 2700 pétroliers transportant environ 29 millions de tonnes de brut. Avec les détroits de Malacca (océan Indien), de Gibraltar (méditerranée), de Panama ou d'Ormuz (océan Indien), le canal de Suez est l'une des sept portes du commerce maritime mondial. Sa fermeture contraindrait les supertankers à faire un détour de 10 000 km autour de l'Afrique, expliquent les experts. La situation en Egypte a déjà eu un impact sur les cours pétroliers qui sont passés à 101,73 dollars hier. «Même si l'Egypte n'est pas un producteur essentiel, le pays abrite deux voies stratégiques acheminant le brut du Moyen-Orient de la mer Rouge à la Méditerranée : le canal de Suez et l'oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed)», explique un opérateur sur le marché new-yorkais. Cette remontée des cours du brut après plusieurs séances baissières reflète les inquiétudes des marchés quant à l'impact des manifestations sur les acheminements de pétrole via le canal de Suez. Depuis le début des manifestations en Egypte, les opérations portuaires sont ralenties et certains employés n'arrivent plus à se rendre sur leur lieu de travail, relèvent des médias locaux, même si des sources gouvernementales rassurent sur le fait que «le canal de Suez fonctionne à plein régime». Par ailleurs, les navires ne trouvent plus, dans le port de Suez, d'escortes militaires capables d'assurer leur protection lors de la traversée du golfe d'Aden dont les eaux sont sillonnées par les pirates. Les autorisations des équipes de sécurité ne sont pas délivrées depuis deux jours ; les changements d'équipage ont également été interrompus et certaines provisions, comme la nourriture et l'eau, ne sont plus acheminées jusqu'au port, expliquent des travailleurs de la compagnie de fret à Suez. Toutefois, certains spécialistes soulignent que les retombées de la fermeture du canal de Suez en terme d'approvisionnement en brut «devraient quand même être plus limitées qu'il y a quelques années, tout simplement parce que l'essentiel de la demande mondiale de pétrole provient désormais d'Asie». Les effets d'une hausse du prix du pétrole sur le reste du monde se traduiraient par une ponction sur le pouvoir d'achat des ménages des pays consommateurs, déjà en difficulté en zone euro où l'inflation a atteint 2,2% en décembre, son plus haut niveau depuis novembre 2008, selon les chiffres rendus publics lundi. Par contre, en Egypte, les retombées seraient majeures car le pays peut être rapidement sous asphyxie financière dans la mesure où ses importations de pétrole, de nourriture (blé, sucre) pourraient vite générer un déficit commercial important qui n'est financé que par le tourisme, les investissements étrangers et les recettes dudit canal, expliquent les experts. Les recettes produites par le canal de Suez se sont établies à près de 4 milliards de dollars en 2009, soit 10% du budget de l'Etat égyptien.