Imitant les activistes du Mouvement du 6 avril en Egypte, des jeunes Marocains appellent, sur le réseau social facebook, à une manifestation le 20 février pour arracher «une large réforme politique» dans le royaume. Il s'agit d'une manifestation «pour la dignité du peuple et des réformes démocratiques». Le groupe, qui dit compter 3400 inscrits, aspire à une réforme de la Constitution, à la démission du gouvernement actuel et à la dissolution du Parlement. En réaction à cette initiative, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri, a déclaré jeudi que les autorités marocaines demeurent sereines concernant cette marche. Car le Maroc, poursuit-il, «s'est engagé il y a longtemps dans un processus irréversible de démocratie et de d'élargissement des libertés publiques». Ainsi, «que les citoyens puissent s'exprimer librement ne nous trouble nullement». M. Naciri relève cependant que ces manifestations ne doivent pas porter atteinte aux intérêts nationaux et aux valeurs constitutionnelles. Le même jour, un groupe de chômeurs diplômés a, dans un point de presse, rappelé au gouvernement sa promesse de trouver de l'emploi pour 1888 prétendants de cette catégorie. Pour acheter la paix sociale, le gouvernement marocain a décidé, le 25 janvier dernier, de maintenir les subventions sur les prix des produits alimentaires de base, même s'il s'expose à des risques de déséquilibre dans les finances publiques en cas d'augmentation vertigineuse de ces denrées sur les marchés mondiaux. «Les prix des denrées subventionnées que sont les carburants, le gaz, la farine, le sucre», entre autres, «enregistrent de fortes hausses sur les marchés internationaux et cela pèse lourdement sur le Fonds de compensation financé par l'argent des contribuables», a déclaré le porte-parole du gouvernement à l'issue du Conseil des ministres. Et le ministre de poursuivre : «Cela a été très coûteux l'an dernier et nous craignons que dans les conditions actuelles, le coût soit élevé pour le Maroc.» Cependant, assure le même responsable, «nous préserverons à tout prix le pouvoir d'achat des citoyens».Le même responsable ajoute que 10% du budget alloué aux investissements cette année seront «réorientés vers la subvention des produits de base». En d'autres termes, le Fonds de compensation sera doté de 2,03 milliards de dollars pour l'année en cours. Et pour cette même année, le budget des dépenses publiques sera réduit de 10%. Cependant, le prix est-il suffisant pour acheter la paix ? Dans un entretien accordé le 31 janvier dernier au journal espagnol El Pais, le prince marocain Moulay Hicham relève que si le mouvement de contestation qui a soufflé sur la Tunisie et l'Egypte n'a pas encore touché son pays, «il ne faut pas se leurrer sur ce fait : pratiquement tous les systèmes autoritaires vont être atteints par la vague de contestation et le Maroc n'y fera probablement pas exception. Reste à savoir si cela se traduira par une contestation purement sociale ou par une revendication politique au sein des formations politiques en place, celles-ci étant enhardies par les récents événements». Pour le prince alaouite, il est nécessaire de «procéder à l'ouverture bien avant que la vague de contestation ne déferle, plutôt qu'après». Dans le cas contraire, «la crise rendra beaucoup plus malaisé le changement politique. C'est loin d'être un pari gagné car la dynamique de libéralisation politique lancée depuis la fin des années 1990 s'est largement essoufflée. De ce fait, redynamiser la scène politique marocaine dans ce contexte régional sans tomber dans la radicalisation sera un défi majeur». Le prince Moulay Hicham observe que «le fossé entre les classes sociales sape la légitimité politique et économique. Les diverses formes de clientélisme dans l'appareil d'Etat mettent en péril sa survie. Enfin, si la majorité des acteurs politiques reconnaissent la monarchie, il n'en demeure pas moins vrai qu'ils sont mécontents de la vaste concentration du pouvoir dans l'Exécutif». Notons que quatre tentatives d'immolation ont eu lieu au Maroc depuis le 17 décembre 2010, qui marque le début de la révolte tunisienne qui a causé la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.