En Egypte, la manifestation de tous les dangers LEMONDE.FR Mis à jour le 28.01.11 | 09h37 Avant une manifestation qui s'annonce importante, vendredi 28 janvier, le Parti national démocratique (PND) du président Hosni Moubarak est resté droit dans ses bottes. Lors d'une conférence de presse au siège du PND, son secrétaire général, Safwat El-Sharif, a indiqué, jeudi, que le gouvernement ne ferait pas la moindre concession, que ce soit sociale ou politique, promettant au contraire que les réformes continueraient. « La minorité n'imposera pas sa volonté à la majorité », a-t-il affirmé. Il a cependant assuré avoir demandé aux forces de l'ordre de faire preuve de retenue face aux manifestants. Gamal Moubarak, fils du président et dirigeant du PND, était présent mais ne s'est pas exprimé. Des nouveaux rassemblements et manifestations ont eu lieu, jeudi, dans plusieurs villes, notamment à Suez, à Ismaïliya, et, dans une moindre mesure, au Caire. Mais ils étaient moins importants que ceux de la veille, plusieurs dizaines de milliers d'Egyptiens avaient alors défilé dans la capitale. Plusieurs partis d'opposition et mouvements de jeunes ont appelé à un grand rassemblement, vendredi, après la grande prière. Les cortèges devraient se former peu après 13 heures, heure locale, autour des mosquées. Parmi les organisateurs, le Mouvement du 6-Avril, un des groupes les plus impliqués dans les récentes manifestations. Composé de jeunes opposants âgés de 20 à 30 ans, il n'est affilié à aucun parti politique. Il a vu le jour lors des journées de grève générale qui ont précédé les élections municipales en 2008. Son nom fait référence à la « Journée de colère », le 6 avril 2008, où de nombreuses organisations d'opposition avaient appelé à des manifestations en se coordonnant sur Internet. Depuis cette époque, les membres du Mouvement du 6-Avril ont subi la répression du régime. Un de ses fondateurs, Ahmed Maher, a été arrêté en mai 2008, emprisonné et torturé. « Des responsables policiers m'ont appelé au téléphone et m'ont menacé sur Facebook, confiait-il à l'époque au Christian Science Monitor. Ils m'ont dit : ‘La dernière fois c'était facile, la prochaine fois ça le sera moins'. » En 2011, ils se retrouvent pourtant encore en premières lignes, dans la rue comme sur le Web. Leur page Facebook compte 26 780 membres et ils diffusent continuellement des informations et des appels au rassemblement sur leur compte Twitter. « Mardi, nous avions un certain nombre de correspondants présents dans les différents quartiers du Caire où se sont tenues les manifestations, a expliqué Hassan Maher au Monde.fr. Ils tweetent, nous appellent, prennent des photos. Notre site et notre page Facebook sont ainsi constamment alimentés par ce qu'ils nous envoient et tout le monde peut suivre ce qui se passe pendant les manifestations, explique le jeune étudiant à l'université du Caire. Pour vendredi, ils ont appelé à une « marche (…) dans toute l'Egypte après 13 heures ». DR Mohamed ElBaradei, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a quant à lui fait son retour en Egypte, jeudi, pour participer aux manifestations. Il a annoncé qu'il sera « avec les manifestants » et se dit prêt à « mener la transition » politique si la population le lui demande. « Il [Moubarak] sert le pays depuis trente ans et il est temps qu'il se retire », a-t-il lancé avant de prendre l'avion à Vienne pour se rendre au Caire. « Le peuple a surmonté la culture de la peur, et une fois qu'elle est surmontée, il n'y a pas de retour en arrière. Je crois absolument que nous allons voir le changement arriver », a-t-il ajouté. Depuis son départ de l'AIEA, M. ElBaradei tente de peser dans la vie politique égyptienne malgré l'absence d'un parti et de soutien au Parlement. A travers l'Agence nationale pour le changement (ANC), le mouvement politique qu'il a créé en février, il a tenté de fédérer l'opposition égyptienne autour d'un projet de réformes démocratiques et d'une révision de la Constitution qui permettrait à un indépendant comme lui de participer à la présidentielle de septembre 2011. En vain, puisqu'il finit par boycotter les élections législatives et appelle à celui de la présidentielle de septembre si de sérieuses garanties pour la régularité du vote ne sont pas assurées. Dans l'état actuel de la Constitution, M. ElBaradei n'aurait pas le droit de se présenter. Jusqu'ici, ce mouvement de protestation avait reçu l'appui d'autres formations politiques, mais sur un mode relativement prudent. Mais vendredi, pour la première fois, les Frères musulmans, principale force d'opposition du pays, ont appelé à descendre dans la rue pour protester « contre la vie chère et pour des réformes politiques ». Malgré de récents revers électoraux, le parti, officiellement interdit, garde une influence importante dans la société égyptienne. Son appel à manifester pourrait donc faire gonfler encore un peu les cortèges, qui atteignaient les dizaines de milliers mardi. Après avoir obtenu quatre-vingt-huit sièges à l'Assemblée lors des élections en 2005, la confrérie islamique s'est retrouvée sans aucun élu après les élections législatives de novembre, dont elle a boycotté le second tour. Harcelés par le régime égyptien dans les urnes comme dans la rue, les Frères musulmans sont restés très discrets jusqu'ici, même si certains de ses plus jeunes membres ont participé aux premières manifestations. Les autorités égyptiennes ont d'ailleurs mis en garde contre l'instrumentalisation du mouvement par les Frères, arrêtant au passage plus d'une centaine de membres de la confrérie depuis le début de la semaine.