C'est sans doute le fait le plus saillant de ce dixième Forum social mondial (FSM) qui entame aujourd'hui son quatrième jour : le jeu du chat et la souris auquel se livrent des Marocains chauffés à blanc contre les militants sahraouis. Dakar (Sénégal) De notre envoyé spécial Ni le discours de l'ex-président brésilien Lula sur le renouveau africain et encore moins la virée de Martine Aubry dans la vieille ville de Dakar n'ont pu ravir la vedette à l'incroyable expédition punitive entreprise par les envoyés spéciaux du Makhzen contre des militants sahraouis coupables de vouloir témoigner.Hier encore, l'amphi «A» de la faculté des technologies de l'université Cheikh Anta Diop a été le théâtre – au propre et au figuré – d'une pitoyable démonstration de force d'une trentaine d'individus arborant des badges «Presse» qui ont pris d'assaut l'enceinte devant accueillir les témoignages de la femme sahraouie. Tels des forcenés, ces personnes ont usé de leurs pieds et de leurs poings pour accéder à la salle et tenter d'empêcher la tenue de la conférence. Les nombreux sympathisants étrangers de la cause sahraouie et même les curieux n'en ont pas cru leurs yeux face à la violence des agresseurs. Aux cris de «Sahara marocain !», le groupe a plongé le lieu dans une cohue indescriptible, attirant même l'attention de ceux qui n'étaient pas concernés par la conférence. Les agents de sécurité sénégalais, qui ont fait preuve de beaucoup de professionnalisme, ont dû faire usage de leurs volumineux biceps pour faire sortir les meneurs marocains. Mais ce n'était que partie remise. Ayant visiblement été missionnés par le Makhzen, ces derniers criaient comme des fous devant la porte, demandant qu'on leur ouvre l'accès. «A bas l'Algérie» à Dakar ! Dans la salle, certains de leurs acolytes «masqués» se sont alors mis à vociférer : «Sahara maghribia !» Et de pousser de délirants : «A bas l'Algérie !» Pourtant, à peine cinq Algériens, dont quatre journalistes, assistaient effectivement à la conférence. La majorité de la foule se recrutait parmi les amis et les sympathisants de la cause sahraouie, notamment des Espagnols et des Français. Devant la détermination de ces derniers et des femmes sahraouies, le groupe de Marocains a fini par rentrer dans le rang, ayant compris leur douleur de ne pouvoir rééditer l'«exploit» de la veille de saboter la tenue d'un atelier. Pour cause, les agents de sécurité, accusés de laxisme, ont cette fois fait le ménage. La conférence a alors commencé, au nez et à la barbe des jeunes Marocains qui ont assisté, impuissants, à un véritable réquisitoire en «live» sur les faits et méfaits de la police et la justice de leur pays. Tour à tour, des femmes victimes de viol ou de torture, d'autres qui ont perdu un proche ou un ami se sont relayées à la tribune pour narrer leur calvaire et lancer des SOS poignants pour que justice soit faite. Il y a été aussi question du «pillage» des ressources du Sahara occidental et de la violation des droits de l'homme dans les territoires occupés. Deux sympathisants européens se sont chargés de traduire en espagnol et en français les témoignages de ces femmes éplorées par la douleur, devant une assistance choquée par tant de souffrance.En désespoir de cause, les fauteurs de troubles ont dû écouter ce qu'ils n'auraient pas souhaité, se contentant de noyer leur chagrin dans des jurons plus au moins audibles. Dehors, Atik Berray, président de l'Association de lutte contre la torture dans les territoires occupés, causait «presque» amicalement avec un autre groupe de Marocains sur le contentieux historique. Une preuve qu'il y avait largement l'espace pour un débat contradictoire mais serein. Mais c'est précisément ce qui fait peur aux Marocains, en ce sens que le débat permet au monde entier de découvrir l'insoutenable souffrance du peuple sahraoui, loin des plateaux télés et de la propagande du Makhzen. Les altermondialistes, eux, ont cette fois bien compris le message.