De nombreuses personnalités politiques nationales dont un ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour en l'occurrence, ont bravé, hier, l'interdit pour se joindre à la marche à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). Parmi elles, figurent en bonne place les anciens membres dirigeants du Front des forces socialistes (FFS). Contrairement à la direction actuelle du parti, qui a choisi de bouder l'initiative de la CNCD, Mustapha Bouhadef, Djamel Zenati, Malek Sadali, Hamid Ouazar et Abdeslam Ali Rachedi ont, en effet, rallié la place du 1er Mai dès les premières heures de la journée pour, ont-ils dit, «entretenir l'espoir» et œuvrer pour le changement. La dynamique lancée par la Ligue algérienne des droits de l'homme a reçu également un soutien franc de la part de Noureddine Bahbouh, ancien ministre de l'Agriculture dans le gouvernement de Mokdad Sifi, et de Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate et également ancien ministre de la Communication dans le gouvernement de M. Benbitour. Bien qu'actuellement en conflit ouvert avec le RCD, leur ancienne formation politique et néanmoins un des principaux acteurs de la CNCD aux côtés de la LADDH et des syndicats autonomes, Djamel Fardjallah, Ali Brahimi et Tarek Mira ont, au même titre que les très nombreux citoyens qui ont rejoint la place du 1er Mai, battu le pavé pour «briser le mur de la peur» et pour provoquer le changement qu'attendent les Algériens. En plus d'avoir suscité une forte adhésion populaire, le mérite de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie a été incontestablement d'avoir convaincu aussi d'anciennes personnalités politiques blasées par le système, à l'image de Tahar Benbaïbèche, membre fondateur du RND, ou du responsable du RPR, Abdelkader Merbah, de reprendre la lutte et de sortir sur le terrain. Connu aussi pour son activisme hors pair, Haïder Bendrihem, également ancien membre fondateur du RND et ancien élu de Batna, fut non seulement présent à la place du 1er Mai mais a failli se faire «embarquer» après qu'il eut protesté vivement contre les arrestations arbitraires de jeunes manifestants opérées par la police. Vivant en retrait de la vie politique ces dernières années, le brillant avocat Miloud Brahimi a été aussi aperçu au milieu des manifestants en grande conversation avec des militants des droits de l'homme et des hommes politiques. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la manifestation de la CNCD a reçu, par ailleurs, l'appui d'un ancien officier supérieur de l'ANP à la retraite. Il s'agit du général Taghit. La Coordination nationale pour le changement et la démocratie, qui a réussi la prouesse rare de ressouder les rangs de l'opposition autour d'un smig politique, a une autre victoire à son actif et pas des moindres, celle d'avoir su aussi convaincre Saïd Sadi et Arezki Aït Larbi, d'anciens frères ennemis et surtout deux acteurs de premier plan des événements d'avril 1980, de se réconcilier. Et comme durant les semaines qui ont précédé le printemps berbère, les deux acteurs ont, une nouvelle fois, su communier avec la population, fédérer les énergies de la société et surtout réussi à faire trembler le pouvoir.