Contesté par la rue égyptienne, Hosni Moubarak quitte le pouvoir et s'installe dans sa résidence secondaire à Sharm El Cheikh. Après sa démission, arrachée au bout de 18 jours de révolte populaire ininterrompue, l'on se demande quel serait son avenir ? Sera-t-il poursuivi en justice pour notamment détournement de deniers publics ? L'on se pose aussi la question quant à l'avenir de son immense fortune, cumulée durant les 30 années qu'il a passées à la tête de l'Egypte ? Sitôt sa démission annoncée, la Suisse a procédé au gel de ses éventuels avoirs placés dans les banques de la Confédération. «Le Conseil fédéral a décidé de geler avec effet immédiat tout avoir éventuel en Suisse de l'ancien président égyptien et de son entourage», a expliqué vendredi le ministère helvétique des Affaires étrangères dans un communiqué. Cette décision est destinée à «éviter tout risque de détournement de biens appartenant à l'Etat égyptien», a-t-il précisé. Cette décision est valable «pendant trois ans», ajoute le ministère qui assure que les avoirs, «spécialement l'immobilier», ne pourront pas être vendus ni transférés. La Suisse avait déjà gelé en janvier les avoirs du président tunisien déchu, Zine El Abidine Ben Ali, et le chef d'Etat sortant ivoirien Laurent Gbagbo ainsi que ceux de leur entourage. L'objectif de ces blocages, qui courent aussi sur trois ans, est d'éviter que d'éventuels avoirs acquis illicitement ne soient transférés ailleurs. Pour la Côte d'Ivoire et la Tunisie, ces décisions ont été prises car la Suisse soupçonne fortement l'existence de tels fonds. Sur l'Egypte, la Suisse ne donne pas de précisions dans son communiqué. Elle n'avance ni chiffres ni autres biens de Moubarak dans la Confédération. Il y a quelques jours, des médias internationaux ont donné des estimations sur la fortune de Moubarak et sa famille. Une fortune qui pourrait atteindre les 70 milliards de dollars. Certains médias arabes, comme le journal Al Khabar, estimait, il y a près d'une année, que Hosni Moubarak à lui seul possédait 15 milliards de dollars, son épouse Suzanne 1 milliard et leur fils aîné Alaa 8 milliards. L'essentiel de la fortune est concentrée entre les mains de leur fils Gamal, longtemps présenté comme l'éventuel successeur, qui possède 17 milliards de dollars, selon toujours le même quotidien. La famille Moubarak a fait fortune dans la spéculation sur la dette souveraine de l'Egypte. Christopher Davidson, professeur spécialisé dans le Moyen-Orient de l'université de Durham, cité par le journal anglais Challenges, a indiqué que cette accumulation de richesse a été possible à travers de nombreux partenariats avec des investisseurs étrangers et des sociétés, conclus avant même qu'il ne prenne la tête de l'Etat. Le professeur a précisé que la plupart des Etats du Golfe exigent des entreprises étrangères de donner à un partenaire local 51% de parts dans de nouvelles start-up. En plus de sa richesse en Egypte, le président et sa famille posséderaient des propriétés en France, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Allemagne, en Espagne, à Dubaï et d'importants complexes hôteliers sur les côtes de la mer Rouge. Ces données restent toutefois difficiles à vérifier. C'est pour cette raison que, il y a quelques jours, des avocats et des magistrats égyptiens ont constitué une commission pour enquêter sur les biens de la famille Moubarak et s'assurer de la véracité des chiffres avancés par certains médias. Des poursuites judiciaires contre Moubarak et sa famille ne sont pas à écarter s'il s'avère que leurs avoirs et biens ont été «mal acquis». La justice tunisienne a, faut-il le souligner, lancé un mandat d'arrêt international contre Ben Ali et son épouse pour «acquisition illégale de biens immobiliers» et «transferts illicites de devises à l'étranger».