C'en est fini avec Moubarak. Il a jeté l'éponge et son retrait du pouvoir a été annoncé hier, officiellement, par le général Omar Souleiman, une nouvelle accueillie triomphalement à la Place Tahrir par les près de deux millions de citoyens qui s'y étaient rassemblés. Après le discours de Moubarak jeudi soir, la mobilisation des Egyptiens n'a pas faibli. Au contraire, ils étaient des milliers à réclamer la tête du Raïs. Et tout semblait aller dans le sens des revendications du peuple égyptien avec un remake du scénario tunisien. Après avoir transféré la veille l'essentiel de ses pouvoirs au vice-président, le général Omar Souleiman, Hosni Moubarak aurait fini par quitter le Caire. Pour aller où? Les informations étaient hier contradictoires, certaines sources le donnaient à Sharm-el-Sheikh, dans le Sinaï, où il a une résidence secondaire, tandis que d'autres sources parlaient d'un départ vers une destination inconnue à l'étranger, lui et les membres de sa famille. C'est la chaîne Al Arabia qui a rapporté hier, la première, le départ du président égyptien, précisant que le raïs et ses proches sont partis d'une base aérienne militaire située en périphérie de la capitale. Il faut dire qu'au dix-huitième jour de révolte, les Egyptiens ne décoléraient pas, surtout après le discours de la veille où le Raïs annonçait qu'il ne démissionnerait pas. Ainsi, frustrés de voir le raïs s'accrocher au pouvoir, les manifestants ont crié leur intention de marcher sur le palais présidentiel après la prière du vendredi.
Déclaration timide du conseil suprême de l'armée
Le conseil suprême de l'armée, qui semble avoir accru son pouvoir, a transmis son «communiqué numéro 2» hier matin. Il a déclaré que l'armée garantit «l'organisation d'élections libres et justes, un changement constitutionnel et la protection de la nation». Il a également confirmé «la levée de l'état d'urgence dès que les circonstances le permettront». Omar Souleiman, qui a prononcé un discours après celui de Moubarak, n'a lui aussi pas réussi à apaiser la colère des manifestants, lui qui leur demandait de retourner chez eux. Dans les rangs de l'opposition, les commentaires anti-Moubarak se poursuivaient. “Etant donné l'intense déception que provoque ce discours en Egypte, le pays est entré ce soir dans une période inquiétante de tension extrême et de danger qui ne peuvent être réglés que par un changement de régime crédible acceptable par la majorité des Egyptiens”, déclarait Mohamed el Erian, de la compagnie Pacific Investment management. Mohamed El-Baradei, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), a quant à lui prédit l'explosion de l'Egypte et appelé l'armée à l'aide. “Comment peut-on être un président sans pouvoirs?”, s'est interrogé l'opposant, lauréat du prix Nobel de la paix. Même Barack Obama, qui réclame depuis plusieurs jours une “transition en bon ordre”, n'a pas caché sa déception.
Des officiers se joignent à la contestation
Mais le fait marquant hier c'est le fait qu'un commandant de l'armée rejoignait hier les rangs des manifestants, place Tahrir, au Caire, assurant qu'une quinzaine d'officiers de rang intermédiaire avaient fait de même. ‘Le mouvement de solidarité des forces armées avec le peuple a débuté', a-t-il déclaré, juste après les prières de l'aube. Jeudi soir, Ahmed Ali Shouman avait annoncé à la foule réunie sur la place centrale de la capitale qu'il avait remis son arme et se joignait à ceux qui réclament la démission du président Hosni Moubarak. Militaire de carrière depuis quinze ans, il était chargé jusque-là de la surveillance de l'entrée ouest de la place Tahrir. La foule l'avait porté en triomphe. Un autre commandant s'était ensuite approché en déclarant: ‘J'ai rejoint la cause moi aussi.'