Alors que les inquiétudes persistent autour de l'état de santé de l'ancien Président, en Afrique du Sud, l'après-Mandela appartient déjà au passé. Mandela va bien». C'est Jacob Zuma, le troisième président noir de l'Afrique du Sud libre, qui le dit. Mais aussi Mandla Mandela, petit-fils de Nelson, député du Congrès national africain (ANC) et chef traditionnel xhosa. «Mon grand-père est en pleine forme», a-t-il déclaré. Hospitalisé pendant deux jours, fin janvier, pour une infection respiratoire aiguë, Mandela se trouve en convalescence dans sa villa de Houghton, un quartier huppé de Johannesburg. «Nous continuons d'espérer qu'il retrouve ses forces et qu'il continue d'apprécier ses 21 ans de liberté en Afrique du Sud», a déclaré Mandla Mandela. Le 11 février 1990, Nelson Mandela était le plus connu, et l'un des derniers prisonniers politiques de l'apartheid à être libéré. Après 27 ans de prison, il est sorti debout, à pied, la tête haute et le poing levé, sa femme Winnie à ses côtés. Certains, qui vivent très loin de l'Afrique du Sud, se demandent encore ce qu'il adviendra du pays après la mort de Mandela… En réalité, la page a été tournée depuis belle lurette, lorsque Mandela a donné à l'Afrique sa plus grande leçon de démocratie, en quittant le pouvoir à la fin d'un seul et unique mandat. En Afrique du Sud, un sentiment diffus de préparation au deuil de Nelson Mandela a commencé lors de son dernier meeting de campagne, en 1999, avant l'élection de son successeur, Thabo Mbeki. Dans un stade archi-comble de Johannesburg, des hommes et des femmes retenaient leurs larmes en écoutant son ultime discours de président «Mandela a tellement fait pour nous, témoigne une enseignante à Soweto. Le jour où il partira… Je ne veux pas y penser.»En phase avec son pays, parfaitement conscient de ce qu'il représente, Nelson Mandela a anticipé sur sa propre disparition. «Après Mandela, la vie continue», a-t-il répété à ses camarades de l'ANC. A l'aune du temps qui s'est écoulé depuis 1994 et des changements rapides traversés par la nouvelle Afrique du Sud, l'après-Mandela est une réalité relativement ancienne. Après les deux mandats de Thabo Mbeki, une nouvelle ère s'est ouverte avec l'accession de Jacob Zuma au pouvoir. Jacob Zuma n'est pas seul, au sein de l'ANC, à vouloir exploiter l'héritage politique de Nelson Mandela. Il ne s'en est pas moins beaucoup démarqué, ne serait-ce que par sa personnalité. Loin d'incarner le goût pour l'étude et la droiture morale du héros national, cet autodidacte, avocat de formation, qui n'a fréquenté les bancs d'aucune école, s'est illustré par des soupçons de corruption pesant à son encontre. Un procès pour viol —dont il est sorti acquitté, mais la réputation entachée — et plusieurs scandales liés à ses nombreuses femmes et maîtresses. Le pays a certes renoué, pendant le Mondial 2010, avec l'euphorie postélectorale de 1994, mais deux grandes tendances dominent aujourd'hui: le désenchantement des plus pauvres —une écrasante majorité— et le bling bling des plus riches — une élite qui grossit. Les lignes de fractures s'avèrent désormais plus sociales que raciales dans un pays qui s'est aujourd'hui normalisé.