Déclenchée mercredi dernier, la grève des greffiers s'est poursuivie, jeudi dernier, et ne semble pas prendre fin. L'administration judiciaire est restée bloquée, exception faite pour les oppositions et le retrait des casiers judiciaires, actes pour lesquels un service minimum a été assuré. Les greffiers ne comptent pas décolérer tant que, affirment-ils, leurs revendications ne sont pas satisfaites. Celles-ci se résument à «des salaires décents, des conditions de travail respectables, le droit à des promotions durant la carrière, un statut digne de la profession et une prise en charge du transport au-delà des heures de travail au même titre que les magistrats». Réunis dans les halls des tribunaux et des cours, ils estiment que leur profession a de tout temps été le parent pauvre du secteur, alors qu'elle constitue l'épine dorsale du secteur de la justice. «Il a suffi d'une grève pour que tous les tribunaux soient paralysés. Ce qui démontre le rôle important des greffes. Pourtant, même dans la réforme de la justice, ce corps a été totalement ignoré. Nous percevons un salaire de 16 000 DA et le plus ancien d'entre nous ne dépasse pas les 22 000 DA. Est-ce normal pour une profession aussi importante ?», lance un greffier de la cour d'Alger. Très nombreux, ses collègues abondent dans le même sens. Ils dénoncent ce qu'ils qualifient de «discrimination» dont ils font l'objet. «Lorsqu'une audience se termine très tard, les magistrats se font accompagner, mais les greffiers sont obligés de prendre le transport en commun. Nous sommes bousculés le lendemain matin si nous arrivons en retard, et humiliés par n'importe quel magistrat pour une quelconque faute. Nous voulons juste le droit à la dignité, au respect de la profession. Certains de nos collègues sont partis à la retraite après plus de 30 ans de carrière, avec le même grade. Ils n'ont jamais connu de promotion. Pire, certains d'entre eux sont sortis avec le grade de dactylographe. Est-ce normal à l'ère des nouvelles technologies?», lancent-ils. Ils se déclarent «non concernés» par le syndicat des greffiers, qui, selon eux, «est resté en dehors des problèmes de la corporation». Toutes les tentatives des procureurs généraux d'engager le dialogue avec les grévistes se sont heurtées à l'intransigeance de ces derniers. «Nos revendications sont adressées au ministre de la Justice, et au président de la République en sa qualité de premier magistrat du pays. Nous refusons toute promesse. Nous voulons du concret…» En tout état de cause, la situation se complique davantage au niveau des tribunaux et des cours paralysés par la grève, et dont le nombre ne cesse d'augmenter. Elles étaient une dizaine, les cours, à avoir été touchées par la contestation, avant d'atteindre, jeudi dernier, une vingtaine, soit plus de la moitié des 37 cours que compte le pays. De nombreux procès ont été renvoyés à des dates ultérieures faute de greffiers, ce qui a suscité dans certaines juridictions l'incompréhension des justiciables. Pour l'instant, aucune décision n'a été prise par le ministre de la Justice, jusque- là cantonné dans un silence de marbre, alors que les avocats de nombreux tribunaux ont exprimé leur solidarité avec les grévistes, même si bon nombre d'entre eux se déclarent «surpris» par le non-respect des lois qui réglementent le droit à la grève, comme le préavis.Ils expliquent qu'il y a «des actes de justice tenus par des délais qui ne peuvent attendre comme les oppositions, et dont les conséquences seront lourdes pour les contrevenants…». Force est de constater que le bras de fer engagé actuellement par les greffiers est en train de faire tache d'huile. Une paralysie totale de tous les tribunaux, cours et administration judiciaire n'est pas à exclure dans les jours à venir vu l'intransigeance des contestataires et le silence radio de la tutelle.