Le mouvement de grève observé par les greffiers s'est élargi. Jeudi, au deuxième jour du débrayage, la plupart des cours du pays étaient visiblement au point mort. En effet, environ 30 cours sur les 36 du pays sont touchées par le mouvement de grève. Situation qui est en soi un «argument massue» que ce corps est un élément indispensable dans le mécanisme judiciaire, qu'il en est sa cheville ouvrière. Seul le service minimum était assuré. En continuant de remplir normalement les tâches d'urgence, comme celles relatives aux appels et aux pourvois en cassation qui sont soumis aux délais légaux strictes, durant cette cessation collective et concertée du travail pour appuyer leurs revendications socioprofessionnelles, les greffiers ont fait montre d'un haut sens de responsabilité et de conscience professionnelle. Et de civisme aussi, l'action revendicative ayant été parfaitement organisée, bien encadrée et tout à fait pacifique dans l'ensemble des tribunaux touchés par la grève. Aucune dérive ni le moindre incident n'ont été en tout cas signalés. Voyant le cercle de la contestation se dilater, d'heure en heure et de juridiction en juridiction, le ministère de la Justice a vite réagi, en fin de semaine, par le biais d'une note d'information à destination de ce personnel qui lui a été diffusée par le canal des chefs de cours. Ainsi, les greffiers ont eu l'engagement, par écrit, de la tutelle que leur régime indemnitaire sera révisé à la hausse avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 2011. Le document ne précisait toutefois ni le taux d'augmentation ni la date d'entrée en application effective de la nouvelle grille. De quoi réduire la mesure de la «Chancellerie» à un coup d'épée dans l'eau. Et ce n'était guère le «point 2», le rappel à l'ordre véhiculé par la même correspondance ministérielle, qui était pour apaiser le mécontentement, voire la colère, des grévistes. En effet, les nombreux employés approchés étaient presque unanimes à qualifier ce rappel d'un «coup de semonce, un avertissement déplacé dans la mesure où il brandit des poursuites pénales contre des fonctionnaires qui ne font qu'exercer, dans les règles, leur droit constitutionnel de grève dans le but de faire valoir leurs doléances socioprofessionnelles légitimes.» Autant dire que l'effet escompté par le département de Tayeb Belaïz à travers cet avis n'a pas eu lieu. Et ce d'autant que le plafond de revendications arborées par les agents de l'administration judiciaire est bien au-delà d'une question de sous. «C'est une approche simpliste que de ne voir dans nos aspirations que le côté pécuniaire. Certes, l'augmentation de salaires est l'un des points principaux de notre plateforme de revendications, mais il en existe d'autres. Et le ministère de tutelle les connaît bien», nous déclare un greffier exerçant au poste de divisionnaire près l'une des chambres de la cour d'Oran, entouré par des dizaines de ses collègues qui se rassemblaient très pacifiquement, dans cet après-midi du jeudi, dans la courette du Palais de justice d'Oran. Les revendications des greffiers ? Bien qu'au début il n'existait pas une et même liste de points formulés par les greffiers au niveau national, du fait qu'il n'existe pas un syndicat corporatiste représentatif au sens propre du terme, mais plutôt des doléances vagues, passionnées et imprécises émises ça et là à coup de mails et de fax anonymes, un consensus national semble avoir été atteint au fil des jours sur une plateforme commune. Celle-ci, à en croire une copie qui nous a été remise, est composée de 12 points. La revendication-mère, pour ainsi dire, est l'annulation pure et simple de l'actuelle loi régissant le corps de greffe judiciaire, texte assimilé à un «code pénal», en ce sens, arguent-ils, que «ces dispositions ne contiennent que les sanctions pénales encourues par le greffier en cas d'erreurs commises lors de ses tâches administratives quotidiennes, mais pas un seul petit chapitre concernant ses droits.» Ils appellent les autorités compétentes, à soumettre dans les plus brefs délais, le nouveau statut de greffiers, à débat et à l'enrichissement au niveau de chaque tribunal. Les fonctionnaires du greffe réclament que leur corps soit détaché de la Fonction publique et placé sous la coupe de la Justice, au même titre que celui de la magistrature. Dans le régime indemnitaire, ils revendiquent «une hausse significative, à même d'améliorer leur situation sociale». En clair, ils exigent une augmentation de 100%. L'inexistence d'un plan de gestion de carrière, la dépendance au parquet général et non au greffier en chef en matière d'attribution des tâches, la non-indemnisation pour les heures supplémentaires et les permanences autant de faits déplorés par les concernés, tous grades confondus, commis-greffiers, greffiers, divisionnaires ou greffiers en chef. D'autre part, ils plaident pour «la réintégration des fonctionnaires suspendus arbitrairement» et «la promulgation d'une loi qui assure au fonctionnaire une protection contre les pratiques irresponsables de certains supérieurs, ainsi que la révision de la gestion du greffe par le parquet et le recours à une gestion indépendante de cette fonction».