La hausse qui continue à toucher les prix des produits agricoles de base suscite de plus en plus de crainte au niveau des organismes et institutions économiques et financiers internationaux quant aux risques potentiels sur les pays les plus pauvres. La semaine dernière, la Banque mondiale (BM) a rendu public un document inquiétant dans lequel elle notait que les prix d'un certain nombre de produits de base «sont aujourd'hui proches des pics atteints en 2008, voire plus élevés». Pour les céréales par exemple, les prix devraient rester volatils et supérieurs à la moyenne jusqu'en 2015 au moins. Selon l'institution, la hausse des prix alimentaires a fait tomber entre juin et décembre 44 millions de personnes dans le monde sous le seuil de l'extrême pauvreté. L'indice mondial des prix alimentaires de la FAO, l'organisation de l'ONU chargée de l'agriculture, a grimpé de 43% au cours des douze derniers mois, dépassant le pic atteint au moment des émeutes de la faim de 2008. La multiplication des catastrophes naturelles a joué un rôle de déclencheur en affectant l'offre. Inondations au Pakistan et en Australie, incendies en Russie, sécheresse en Amérique latine et en Chine ont mis en péril les récoltes et renforcé les inquiétudes autour de la capacité à nourrir 7 milliards d'hommes, alors que 900 millions d'entre eux souffrent déjà de malnutrition, selon les experts. Si les prix continuent de flamber, la situation risque de devenir très inquiétante dans de nombreuses régions. De plus, le riz, aliment de base pour 3 milliards de personnes, et jusque-là relativement épargné, a vu ses cours grimper de 10% sur le marché à terme de Chicago en janvier dernier. «Dans les pays les plus pauvres, où les personnes consacrent jusqu'aux deux tiers de leurs revenus quotidiens à l'alimentation, la hausse des prix s'impose à nouveau comme une menace pour la croissance économique et la stabilité sociale», s'est inquiétée l'institution financière. Son premier responsable Robert Zoellick a tiré la sonnette d'alarme affirmant que «le risque d'une flambée des prix alimentaires constitue pour la plupart des pays en développement la pire des difficultés auxquelles ils sont confrontés». La Banque estime à près d'un milliard le nombre de personnes dans le monde souffrant de la faim dont 60% de femmes. Une hausse des prix alimentaires aura un impact aussi bien sur les foyers les plus démunis que sur les agriculteurs, a prévenu la BM. «La volatilité des prix alimentaires doit devenir sa ‘priorité numéro un' du G20», a estimé M. Zoellick, préconisant l'adoption d'une série de mesures destinées à garantir l'accès à une alimentation nutritive pour les populations et les pays les plus vulnérables. Pour tenter d'apporter des solutions, la BM a mis en place déjà en mai 2008 à l'occasion de la première crise le Programme d'intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP), dont bénéficient quelque 40 millions de personnes. Avec un fonds de 1,5 milliard de dollars, le GFRP apporte son assistance à une quarantaine de pays à faible revenu sous la forme d'aides agricoles et d'aides alimentaires destinées aux populations les plus vulnérables. Au Bénin, par exemple, les engrais distribués grâce au GFRP ont permis la production de 100 000 tonnes de céréales supplémentaires. En avril 2010, la banque mis en place un nouveau Programme mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP) à la demande du G20 avec pour objectif de soutenir les programmes menés par les pays en matière agricole et de sécurité alimentaire et de favoriser les investissements en faveur des petits agriculteurs. A ce jour, les contributions ou engagements des bailleurs de fonds (six pays et la Fondation Bill & Melinda Gates) sur les trois prochaines années s'élèvent à environ 925 millions de dollars. Les dons approuvés et décaissés par le GAFSP depuis son lancement se chiffrent à 321 millions de dollars et ont été destinés à 8 pays (Bangladesh, Ethiopie, Haïti, Mongolie, Niger, Rwanda, Sierra Leone et Togo). A plus long terme, la Banque mondiale compte augmenter ses dépenses dans le domaine de l'agriculture, avec une moyenne annuelle de 6 à 8 milliards de dollars, contre 4,1 milliards de dollars en 2008.