L'engagement des jeunes dans cette nouvelle dynamique de gestion des affaires de la commune est le signe d'un bouleversement considérable. Après 3 jours de vives tensions, ce n'est que tard dans la nuit de samedi qu'un vent de soulagement s'est répandu dans l'agglomération de Sidi Lakhdar. Au siège de la daïra, transformé en véritable quartier général, c'est entouré du chef de sûreté de wilaya et du chef de daïra de Sidi Lakhdar que le SG de la wilaya reçoit délégation sur délégation. Même le service chargé de l'accueil a été entièrement retiré, si bien que, depuis la rue, les représentants des manifestants ou de simples citoyens accèdent librement au bureau du chef de daïra, situé au premier étage. Toutes les barrières ont été aplanies et l'administration, sans aucun relais, se met à l'écoute des citoyens. Ceci en l'absence sidérale des élus de la région. Mis à part le maire qui s'implique dans la gestion de la crise, aucun élu national ou local ne s'est manifesté durant les 4 jours d'émeutes. Le jeune Lakhdar, l'un des leaders du mouvement, est très surpris de pouvoir s'asseoir pour la première fois dans un fauteuil en cuir, face au SG de la wilaya, qui lui explique que la confection des listes d'attribution des logements ne se fera pas sans sa participation, ajoutant que chacun doit désormais prendre ses responsabilités. L'intensité des débats, la sincérité des échanges et, surtout, l'engagement de ces jeunes dans cette nouvelle dynamique de gestion des affaires de la commune, sont des signes d'un bouleversement considérable. Très vite, ce sont les délégués qui prennent à cœur d'expliquer à leurs camarades que les engagements de l'administration seront tenus. Une très belle leçon de démocratie participative. Députés, sénateurs et élus locaux disqualifiés C'est au-delà d'une heure du matin, alors que les 190 familles entamaient dans le calme l'évacuation des logements squattés de force 24 heures auparavant, qu'entrera enfin dans la salle le jeune Mustafa, un ancien gendarme, à peine la trentaine qui paraît bien plus vieux. Celui qui passe pour être le véritable cerveau de toute cette organisation, depuis le sit-in face à la mairie, jusqu'à l'occupation des 192 logements, venait enfin de rejoindre la table des négociations. Très vite mis en confiance, notamment par ses nombreux et fidèles compagnons présents sur place, il s'est joint avec soulagement à la dynamique déclenchée par ses pairs, consistant à vider les logements et se conformer à la liste qui sera élaborée selon des critères rigoureux et avec la participation active des jeunes manifestants. Très méfiant, cet ancien militaire ne parvenait plus à maîtriser ses nerfs. L'engouement de centaines de jeunes, dont de très nombreux chefs de famille, ont fait de lui un héros. Fatigué par 4 nuits sans sommeil, épuisé par les palabres et sans doute inquiet de la tournure dramatique que pouvaient prendre les évènements, ce n'est que grâce aux rares journalistes présents sur le lieu et surtout grâce à l'entremise de son oncle qu'il a accepté enfin de s'asseoir à la table des discussions. C'est lui qui a demandé aux derniers irréductibles de vider les appartements occupés la veille. Peu après 1 heure du matin, les visages des responsables et des représentants des chômeurs s'éclairent enfin. Avec la création de 520 postes en pré-emploi et l'engagement de reprendre la liste des citoyens éligibles à l'octroi d'un logement, les protestataires de Sidi Lakhdar avaient le succès modeste. Certains d'avoir vaincu la peur et surtout d'avoir été capables d'éviter l'affrontement tant redouté avec les forces de l'ordre, ils ont fait montre d'une réelle aptitude à se prendre en charge et surtout à se passer de ces élus qui, à la première escarmouche, ont totalement disparu du village. Il est certain, qu'à Sidi Lakhdar, plus rien ne se fera comme avant. Une nouvelle génération vient de prendre conscience de sa force et de ses capacités à prendre son destin en main.