Place aux jeunes.» La phrase lâchée par Yazid Zerhouni, vice-Premier ministre et ex-ministre de l'Intérieur, dans les couloirs de l'APN, début février, semble prendre un sens au fil du temps. L'ami personnel du président Bouteflika voulait suggérer qu'il n'était pas intéressé par le poste de Premier ministre. Mais à y voir de près, l'allusion renvoyait en fait à un plan plus élaboré relancé dernièrement en raison des révolutions populaires dans les pays arabes. La chute des dictatures en Tunisie et en Egypte et celles, prochaines, en Libye et au Yémen, a amené plusieurs hauts responsables algériens, qui gravitent autour de la présidence de la République, à repenser l'avenir politique de l'ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumediène. Vers l'extérieur, Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, s'est chargé des premières explications. A la chaîne française Public Sénat, vue plus par les décideurs parisiens que par le grand public, le chef de la diplomatie a clairement parlé de «relève». «Tous, les uns et les autres», a-t-il soutenu. Cela suggère des départs, à plusieurs niveaux, de hauts responsables algériens civils et militaires. M. Medelci a évoqué le «changement inévitable». «Et il est encore plus inévitable lorsqu'on observe ce qui se passe à l'extérieur», a-t-il dit, soulignant que la présidence à vie pour Bouteflika était «une blague». On est déjà loin des propos de Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président de la République, qui, en décembre 2010, soutenait que Bouteflika était «le candidat naturel» du FLN à la présidentielle de 2014. Pour que la présidence à vie pour Bouteflika ne soit pas qu'«une blague», le chef de l'Etat, celui qui est présent sur la scène politique algérienne depuis cinquante ans, devrait passer à l'acte pour être pris au sérieux, en Algérie et à l'étranger. Comment ? En revenant à la Constitution de 1996, celle amendée par Liamine Zeroual et portant sur la limitation des mandats présidentiels à deux. «La durée du mandat présidentiel est de cinq ans. Le président de la République est rééligible une seule fois», était-il écrit dans l'article 74 de la Constitution. En novembre 2008, Bouteflika, sans consultation populaire ouverte, a changé ce texte en introduisant ce passage : «Le président de la République est rééligible.» Autrement dit, des mandats à l'infini. Cette immense régression a été dénoncée par les opposants algériens et critiquée à l'étranger. Aujourd'hui, les temps ont changé et un retour à la limitation des mandats présidentiels pour éviter des régimes à la Ben Ali, Moubarak, El Gueddafi, Saleh paraît inéluctable. Il suffirait à Bouteflika de réunir le Parlement en congrès pour amender la loi fondamentale du pays et donner la preuve d'un véritable changement – un remaniement routinier du gouvernement, selon la règle des chaises musicales, n'a pas valeur de changement. Les révolutions dans le monde arabe ont amené deux évolutions majeures : l'effondrement du pouvoir à vie et la fin de la succession héréditaire au pouvoir, surtout au sein des Républiques. Affaibli physiquement, Bouteflika aurait exprimé le vœu de partir à la fin de son mandat, peut-être même avant. Les formes de ce départ seraient à l'étude, impliquant une accélération des particules à l'intérieur du système. Cela est, entre autres, lié au mouvement rapide et presque imprévisible des contestations populaires dans les pays arabes, étant entendu que l'Algérie n'est pas à l'abri. A Jean-Pierre Raffarin, ex-Premier ministre français en charge du suivi du dossier de la coopération économique entre l'Algérie et la France, Bouteflika a fait un aveu qui en dit long sur son état d'esprit : «J'ai la conviction, mais pas la force.» La force de continuer ? «L'état de santé de Bouteflika peut l'empêcher de continuer son troisième mandat», a relevé un diplomate américain en poste à Alger, dans un câble révélé il y a quelques semaines par WikiLeaks. Ces derniers temps, le locataire d'El Mouradia, qui ne s'adresse plus aux Algériens et réserve ses confidences aux étrangers, tente de défendre son bilan. Le message envoyé dernièrement aux travailleurs, à l'occasion du 24 février (création de l'UGTA), n'était porteur de rien, sauf d'une volonté de défendre un bilan de 11 ans de règne. Bilan contesté par l'opposition et les syndicats autonomes, mais défendu par les partisans de Bouteflika. Mourad Medelci, toujours sur Public Sénat, a laissé entendre que le chef de l'Etat a atteint les objectifs fixés dans la feuille de route de 1999 : retour de la sécurité, réconciliation et relance économique. Pas besoin de théorie mathématique pour comprendre que l'accomplissement d'une mission signifie un départ prochain ou quelque chose qui ressemble au… début de la fin.