Entre le Conseil des ministres (CM) tenu au lendemain des émeutes du 5 janvier et celui du mardi 22 février, le gouvernement aura multiplié les signes de bonne volonté susceptibles d'absorber les tensions sociales. Il s'agit de trouver dans un délai très court des réponses efficaces aux besoins d'une population lassée de réclamer son droit au travail, au logement et à une vie décente.A en juger par les mesures annoncées à l'issue de la réunion de jeudi dernier, il est clair que l'Etat a décidé de mettre le paquet sur la prise en charge des jeunes dont il veut désormais améliorer l'insertion professionnelle et encourager les initiatives privées. Le ministre, du travail, de l'emploi et de la sécurité a reconnu la nécessité de cette démarche, en affirmant qu'il «fallait orienter la politique économique du pays dans le sens d'une plus grande prise encharge des jeunes». Pour ce faire, des améliorations ont été apportées aux dispositifs d'insertion dans le monde du travail et d'emplois d'attente et beaucoup d'avantages sont accordés aux dispositifs d'aide à la création d'entreprises de type Ansej, Cnac, Angem. Mais au-delà des incitations fiscales et financières qui sont accordées dans le cadre de ces dispositifs, se pose la question de la volonté réelle des jeunes Algériens à se lancer dans la création de leurs propre entreprise et de leur capacité à le faire compte tenu des types de formation qui leur ont été dispensées. Samir Toumi, expert en ressources humaines, estime que «les jeunes diplômés ne sont pas du tout préparés à se lancer dans ce type d'initiative. A la limite, les vendeurs à la sauvette seraient mieux préparés puisqu'ils ont touché de près à l'activité du commerce». Ce qui leur manque, c'est «un accompagnement» sérieux à travers notamment «une meilleure diffusion de l'information à leur niveau. Par exemple dans les universités, des associations ou des clubs pourraient promouvoir l'entrepreneuriat et les dispositifs en place». Encore faudrait-il que les administrations en charge de l'exécution de ces dispositifs fassent preuve d'un peu plus de flexibilité. Les banques publiques très sollicitées Si le gouvernement ne peut pas garantir cette souplesse administrative, il peut en revanche assurer de la disponibilité des ressources financières au niveau des banques publiques. Car le gouvernement a décidé de mettre à leur disposition par le biais du Trésor, une ligne de crédit à long terme de 100 milliards de dinars renouvelable, afin de leur permettre de financer des projets à maturité longue. Ce n'est pas que les disponibilités financières faisaient défaut dans un système bancaire en surliquidités, mais l'objectif est «de compléter les ressources existantes par des ressources institutionnelles à longue maturité», nous explique le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), Abderrahmane Benkhalfa. «Certes, il y a des ressources disponibles dans les banques, mais leur maturité est à court et moyen termes. Ce sont des ressources pourvues pratiquement toutes par des dépôts à vue, c'est-à-dire qui peuvent être retirées à tout moment», argue-t-il. Or, il y a des normes prudentielles qui obligent les banques pour des raisons de sécurité financière, pour tout financement de plus de 5 ans, à être couvertes à plus de 60% par des ressources dont la maturité est de la même durée». Du coup, la nouvelle mesure, «donnera plus de sécurité et de confort aux banques pour financer des projets importants, d'utilité publique et de longue maturité de 7, 10 ou 12 ans, même», ajoute notre interlocuteur. En adoptant le principe de la dépénalisation de l'acte de gestion, l'Etat sollicite donc les banques publiques afin qu'elles puissent jouer enfin leur rôle, ce qui est normal puisqu'elle représente 90% du marché bancaire. «L'Etat est souverain dans le choix des instruments et des institutions qui lui apporteront leur soutien», affirme M. Benkhalfa. Et de toute manière «chaque fois qu'il y a soutien ou intervention sélective de l'Etat sur la base de critères économiques, c'est l'économie dans son ensemble, c'est-à-dire même celle qui n'est pas soutenue, qui en tire profit». Des mécontents quand même ! Pour la plupart des organisations patronales, les mesures annoncées dans le dernier Conseil des ministres sont «positives», notamment sur le plan de l'investissement et du foncier. Les patrons bénéficieront d'ailleurs d'une importante baisse des charges patronales afin de les inciter à recruter davantage. Le chef de l'Etat les a directement interpellés dans la réunion du CM, en affirmant qu'il «reste à nos investisseurs de relever le défi de l'édification économique du pays, mais, aussi, celui de l'offre d'emplois durables aux citoyens au chômage, notamment à nos jeunes». Pourtant il y a des chefs d'entreprise qui s'estiment encore lésés quand ils sont confrontés à toutes les mesures mises en place depuis les émeutes de janvier. Parmi eux, ceux qui ont vu leurs unités de production saccagées et pillées lors des émeutes qu'à connues le pays au début du mois de janvier et qui se plaignent de n'avoir bénéficié d'aucune aide, à la différence des producteurs de sucre et de d'huile. D'autres chefs d'entreprise continuent à se plaindre du problème du crédit documentaire (Credoc), pour lequel on annonce ça et là des révisions, des assouplissements et même une abrogation, sans qu'il n'y ait rien de concret. Autant dire que pour cette catégorie de chefs d'entreprise, des mesures supplémentaires seront les bienvenues. En tout état de cause, quelles que soient les décisions prises, tout le monde s'accorde à dire que le problème réside davantage dans leur mise en application que dans leur contenu. D'ailleurs, le chef de l'Etat l'a clairement reconnu lors de la réunion du CM, en déclarant qu'«il reste à nos administrations et institutions financières à mettre en œuvre efficacement toutes ces mesures».