Les 23 et 24 novembre dernier s'est déroulé à Alger un colloque international sur la prévention et la lutte contre la corruption dans les systèmes éducatifs. Cette importante manifestation financée par l'Union européenne est à mettre à l'actif de Transparency International, sa section Algérie et la Fondation Friederich Erbert. De prime abord, l'intitulé peut paraître insolite. Que vient faire la corruption dans un secteur censé inscrire toutes ses actions dans le strict respect de l'éthique et des bonnes mœurs sociales ? Les interventions étayées d'exemples vivants ont démontré que ce fléau a largement pénétré les augustes enceintes scolaires et universitaires. Sans trop s'étaler sur ce constat, les conférenciers - pour la majorité des pédagogues chevronnés - ont mis l'accent sur le rôle important que peut jouer l'institution éducative dans la sensibilisation, l'information et la prévention à long terme. Venus du Maroc, d'Italie et de France, ils ont présenté les fruits de leur expérience en la matière. Nous signalerons que dans ces pays existe une parfaite synchronisation entre les efforts des ministères concernés - celui de l'éducation nationale en particulier - et ceux des sections locales de Transparency International. Les participants au colloque ont apprécié l'esprit de collaboration qui prévaut au Maroc où le ministère de l'Education nationale dispose d'une commission des droits de l'homme et de la citoyenneté. Forts de cet appui, les membres de l'Association marocaine de lutte contre la corruption (ONG) ont élaboré une série d'ouvrages didactiques. Ils les destinent aux enseignants et élèves des collèges et lycées du royaume. Les pédagogues de cette ONG sillonnent le pays à la rencontre des acteurs de la scène éducative. Séminaires de formation, tables rondes et conférences, distribution de prospectus de vulgarisation : tel est le menu de leur sacerdoce. C'est aux Algériens qu'ils ont réservé la primeur de leur dernière production. Un geste sympathique salué à sa juste valeur par la nombreuse assistance. Il s'agit d'un Guide pédagogique pour les enseignants des collèges et lycées. En plus de la définition de ce fléau et de ses méfaits sur la société, cet ouvrage comporte des activités didactiques. Neuf saynètes brassant autant de thèmes de la vie quotidienne où le simple citoyen peut rencontrer le monstre (la corruption). Des caricatures de bonne facture accompagnent les textes à jouer, lesquels sont précédés d'indications d'ordre méthodologique. Le lecteur pourra voir sous des traits laids et rebutant différents agents de la fonction publique affairés à leurs basses besognes. Ceux du secteur privé ne sont pas épargnés non plus. On retrouve le journaliste qui encense les autorités moyennant une grasse enveloppe et l'entrepreneur porteur de liasses de billets de banque pour acheter un juteux marché. Coproduit par le ministère marocain de l'Education nationale et l'ONG marocaine de lutte contre la corruption, ce guide est distribué gratuitement aux enseignants. Invitée au colloque, Mme Khadija Chakir, présidente de la commission DDH et de la citoyenneté au ministère marocain de l'Education nationale, a donné une conférence pour appuyer les propos des conférenciers de l'ONG. Elle a indiqué que son département ministériel travaille à long terme en transmettant les valeurs et les attitudes nécessaires à une prise de conscience par les jeunes. Il est vrai que tous les intervenants ont insisté sur les effets à moyen et long termes de ce travail d'éducation et de prévention. Ils ont eu l'humilité de ne pas se substituer aux autres acteurs sociaux directement en charge du combat permanent contre la corruption : les politiques et les magistrats notamment. L'un des promoteurs du guide, M. El Khaldi est professeur de philosophie, le deuxième est juriste. Ils ont épaté l'auditoire par leur aisance linguistique en langue arabe et en langue française. Les pauvres Algériens n'en revenaient pas de voir autant de maîtrise, alors que chez nous, ces catégories de cadres se morfondent pour la plupart dans un monolinguisme pénalisant. C'est en paraphrasant Victor Hugo (dans le texte) que M. El Khaldi a terminé sa présentation du guide Qui ouvre une école ferme une prison. N'est-ce pas que dans les démocraties la corruption mène droit à la prison. Seule une bonne éducation entamée dès l'école pourra former ces citoyens honnêtes et responsables, qui demain, fermeront les prisons... de la corruption. La présence du ministère marocain de l'Education à ce colloque a suscité moult interrogations sur l'absence de son homologue algérien. Selon les organisateurs, il a été invité. [email protected]