Les déclarations du ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, à propos de l'agrément de nouveaux partis politiques et l'interdiction de manifestations dans la capitale, continuent de susciter l'indignation des acteurs politiques et sociaux. Ainsi, le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), Mostefa Bouchachi, a qualifié de «dangereux» les propos tenus par le ministre de l'Intérieur. «Juste au lendemain de la levée de l'état d'urgence, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il faut attendre le moment opportun pour permettre l'agrément de nouveaux partis politiques. Cette déclaration est grave et dangereuse», a déclaré le président de la LADDH, lors d'un point de presse tenu hier au siège de son organisation. La levée de l'état d'urgence suppose «que l'institution de l'armée quitte la vie civile et consacre le retour à un Etat de droit où il est supposé également l'application des lois. Mais, l'on constate malheureusement que c'est juste une levée de forme de l'état d'urgence. Les libertés sont toujours entravées, ce qui dénote de l'absence de volonté du pouvoir d'ouvrir le champ politique», a poursuivi Me Bouchachi. Intransigeant, ce dernier est catégorique : «Le système agit en dehors de la loi et des institutions.» Le retour à une vie politique normale, tant espéré, à la suite de la levée de l'état d'urgence, semble remis aux calendes grecques. Rappelant au passage les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, actuellement vice-Premier ministre, qui disait souvent «tel parti (Wafa de Ahmed Taleb Ibrahimi, nldr) ne sera jamais reconnu tant que je suis ministre de l'Intérieur !» selon le président de la Ligue, «les états d'âme des personnes sont érigés en lois». Ainsi, les droits politiques des Algériens sont suspendus au bon vouloir d'un ministre ou d'une autre quelconque autorité. Un coup de bluff Dénonçant vigoureusement la répression policière de la marche de samedi dernier, le premier responsable de la LADDH a mis en garde contre des velléités de rendre impossible toute possibilité de militer pacifiquement pour le changement et la démocratie. «Le pouvoir a condamné la violence des émeutes de début janvier, mais lorsque nous sommes sortis pour revendiquer pacifiquement la changement et la démocratie, il nous oppose l'interdit et les forces de police. Ce pouvoir, totalement fermé, ne montre aucun signe de volonté d'ouverture», a fait savoir Mostefa Bouchachi. La position officielle sur la Libye est «indigne de l'Algérie révolutionnaire» Les salves du président de l'organisation de défense des droits de l'homme contre le pouvoir ne s'arrêtent pas là. Il s'est indigné contre l'attitude de la position officielle de l'Algérie vis-à-vis de la situation en Libye. «Le régime dictatorial d'El Gueddafi est en train d'exterminer son peuple. Et curieusement, la position officielle de l'Algérie se meut dans un silence inacceptable», a commenté maître Bouchachi. Très en colère, il a lâché : «Le silence dans une situation d'injustice veut tout simplement dire qu'on est du côté de l'injustice. L'Algérie devait traduire le sentiment des Algériens qui, eux, expriment une solidarité avec le peuple libyen.» Sans ménagement aucun, Me Bouchachi a estimé que «la position officielle n'honore pas l'Algérie révolutionnaire et celle des martyrs». Me Aïssa Rahmoun, membre de la LADDH, a abondé dans le même sens et «charge» le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui avait déclaré, avant-hier, devant la 16e session du Conseil des droits de l'homme à Genève que «l'Algérie souhaite l'instauration d'une transition pacifique par voie de dialogue national» dans la région du Maghreb. L'intervenant a qualifié les propos de M. Medelci «d'absurdité chronique». Il a jugé «anormal que l'on propose un dialogue national en vue d'une transition à un autre peuple (libyen) alors qu'on l'interdit aux Algériens».