Alors qu'un sommet extraordinaire de l'Union européenne doit avoir lieu le 11 mars à Bruxelles pour aborder les questions d'immigration liées à la crise libyenne, le tableau alarmiste de «flux migratoires incontrôlables» en provenance du sud de la Méditerranée est utilisé en France comme un élément de campagne électorale. Paris. De notre correspondante L'instrumentalisation de la menace de «vagues» de migrants qui viendraient «se déverser» en France, il n'y a pas que la présidente du Front national, Marine Le Pen – qui vient d'être créditée de 23% d'intentions de vote contre 21% à Nicolas Sarkozy et Martine Aubry par un sondage du Parisien, dimanche, de 23% d'intentions – qui l'agite. La secrétaire nationale du parti socialiste, Martine Aubry, a estimé, samedi, que la responsabilité en revenait au chef de l'Etat. «Ce qui est clair, c'est que Nicolas Sarkozy joue à une espèce de quitte ou double depuis des semaines», a-t-elle déclaré sur Europe 1. «Il ne veut pas changer de politique, donc il fait peur. Il avait commencé avec l'identité nationale et les Roms, maintenant ce sont les immigrés», a-t-elle poursuivi. «Au lieu de se réjouir quand les peuples tunisien et égyptien se lèvent pour la démocratie, il fait peur aux Français, comme si cela allait entraîner des hordes d'immigrés», a-t-elle dénoncé. Lorsque Marine Le Pen propose (mercredi dernier sur RTL) que l'on repousse dans les eaux internationales les migrants venus d'Afrique du Nord et qui veulent entrer en Europe, Nicolas Sarkozy et la majorité de droite, moins abruptement certes, n'en signifient pas moins. Dans son allocution à la télévision et à la radio dimanche soir, annonçant le remaniement ministériel, Nicolas Sarkozy a justifié la nomination de Claude Guéant à l'Intérieur et Alain Juppé aux Affaires étrangères par les bouleversements en cours dans le monde arabe, notamment en Libye. Pour ajouter aussitôt : «Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme.» Dans le même sillage, le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a estimé, mercredi 2 mars, sur France Info, que l'afflux de migrants en provenance de Libye était «un vrai risque pour l'Europe qui ne doit pas être sous-estimé», assurant que la France était sur la même position que l'Italie… «Ce dont on parle, ce ne sont pas quelques dizaines de milliers d'immigrants illégaux qui pourraient arriver en Europe, c'est potentiellement 200 000 à 300 000 personnes qui, sur l'année, pourraient chercher à franchir la Méditerranée en direction de l'Europe.» «Les personnes qui se présenteront en France en situation irrégulière seront refoulées», assure pour sa part le nouveau ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. «La France ne saurait accepter cette immigration économique qui prend prétexte d'événements politiques. Il serait tout de même paradoxal de les accueillir alors que leurs pays s'ouvrent à la liberté et à la démocratie !», a-t-il dit, vendredi, en visitant un poste de police à la frontière avec l'Italie. Et à l'adresse des Italiens : «Nous attendons qu'ils retiennent les clandestins se présentant chez eux et qu'ils reprennent les personnes que nous leur remettons lorsque nous les interpellons.»