C'est devenu une habitude depuis plus d'un mois. Chaque samedi, Alger la Blanche change de couleur et revêt le costume bleu foncé de la police. Déterminé à maintenir l'interdiction sur les manifestations publiques dans la capitale, le pouvoir a fait, hier encore, dans la démonstration de force. Pour empêcher la marche à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), il n'a pas lésiné sur les moyens. Le décor est planté dès les premières heures de la matinée. La place du 1er Mai, d'où devait s'ébranler cette marche, est quadrillée. Plusieurs dizaines de policiers et de véhicules antiémeute encerclent les lieux. Les principaux axes routiers menant vers cette place sont rigoureusement surveillés. Formant des haies sur plusieurs dizaines de mètres, de nombreux policiers bloquent l'accès vers l'arrêt de bus de l'Entreprise de transport urbain (Etusa) et celui des taxis situé à proximité. Les placettes mitoyennes avec l'hôpital Mustapha Pacha ont été également fermées à l'aide de barrières de sécurité. Seule la chaussée est laissée ouverte à la circulation automobile. Le dispositif étant mis en place, les policiers, boucliers et matraques à la main, attendent, sous une pluie battante, l'arrivée des manifestants prévue à 11h. Mais ils arrivent un peu tôt. 10h40, environ 150 manifestants font leur apparition sur les lieux. Parmi eux, le président du RCD, Saïd Sadi, et l'infatigable Ali Yahia Abdennour. Aussitôt, les policiers accourent vers eux. Encerclés, les deux hommes sont vite conduits vers l'entrée principale de l'hôpital Mustapha. Après avoir réussi à isoler les deux leaders de la CNCD, les forces de l'ordre reviennent pour disperser les manifestants. Ces derniers tentent d'abord de forcer le cordon de policiers, en vain. Chargés par les policiers, ils répliquent par des slogans hostiles au pouvoir et demandent un changement du système. «Pouvoir assassin», «Y'en a marre de ce pouvoir» et « Djazaïr, houra, democratia (Algérie libre et démocratique)», scandent-ils. Chassé de la place du 1er Mai, un groupe de manifestants improvise une petite marche vers le quartier de Belouizdad. Ils n'ont quitté les lieux que vers 12h. Un fait nouveau : les «baltaguia» du régime n'ont pas fait leur apparition cette fois-ci. Les autorités auraient-elles compris enfin le danger de la division de la société algérienne ? Possible. Par ailleurs, selon des responsables du RCD, la police a tout fait pour empêcher Saïd Sadi et Ali Yahia Abdennour d'arriver la place du 1er Mai. Le véhicule qui transportait les deux hommes d'El Biar vers le lieu de la manifestation a été suivi par la police puis endommagé. «Ils ont (les policiers) fait en sorte à ce qu'ils n'arrivent pas à la place du 1er Mai. Le véhicule qui transportait les deux hommes a été percuté par une Polo de la police et endommagé», explique Boubekeur Darguini, député du RCD. Réagissant à l'interdiction de cette marche, le Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), une organisation née il y a deux mois, dénonce vigoureusement l'attitude des autorités. «Le Mouvement des jeunes indépendants pour le changement a suivi avec indignation la répression qui s'est abattue sur les citoyens qui se sont rendus ce matin à la place du 1er Mai pour marcher pacifiquement, demandant le départ du régime», affirme le MJIC dans un communiqué adressé à notre rédaction. L'organisation, ajoute-t-on, «dénonce avec vigueur le recours systématique des autorités à la répression pour étouffer tout mouvement de protestation et condamne la brutalité utilisée par les agents de l'ordre contre les manifestants».