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L'affirmation «un seul héros, le peuple» est mise à mal
Malika Rahal. Historienne
Publié dans El Watan le 18 - 03 - 2011

Avec une rare rigueur, Malika Rahal, spécialiste de l'UDMA, signe chez les éditions Barzakh une inédite biographie de Ali Boumendjel, avocat, militant nationaliste, assassiné par les paras lors de la Bataille d'Alger en 1957. Un itinéraire qui résiste au discours dominant de l'histoire officielle. Rendez-vous avec l'auteur samedi 19 mars à la librairie Chihab, à 15h, pour une rencontre animée par Daho Djerbal.
-Comment peut-on réussir le «pari biographique» concernant Ali Boumendjel tout en négociant la stature du «héros», du «martyr» ? Comment négocier dans le cadre d'une telle biographie cette notion de
«un seul héros, le peuple» ?
L'affirmation qu'il n'y a eu qu'«un seul héros, le peuple» a déjà été mise à mal : on a vu dans les dernières années fleurir des mémoires, des autobiographies d'acteurs et même quelques biographies qui mettaient en avant des parcours individuels variés. Pour la biographie d'Ali Boumendjel, la question de l'héroïsme s'est posée du fait de ma source première : le récit que m'ont livré des membres de la famille concernant leur disparu. Il a donc fallu que je m'interroge sur la validité de ce récit héroïque, que j'en comprenne l'élaboration pour en faire un usage critique. Plutôt que de gommer cette réflexion comme on gomme les traits de construction en géométrie, il m'est apparu plus intéressant de l'intégrer dans le corps de l'ouvrage.
Elle permet, je crois, de rappeler que les récits de martyrs, comme les récits héroïques, répondent à certaines contraintes au sujet desquelles il faut s'interroger. Pour répondre au besoin de donner un destin à leur disparu, c'est-à-dire de donner un sens à sa vie et à sa mort, les familiers, les amis et camarades coulent leurs récits dans un moule, au risque de l'approximation ou de l'erreur. La forme de ce moule nous renseigne, je crois, sur le caractère central d'une certaine forme de récit dans la société algérienne, dès avant l'indépendance et plus encore dans les années qui ont suivi.
-La mort d'Ali Boumendjel résiste, selon vous, à la «vulgate nationaliste». Comment expliquez-vous cette résistance ?
Ce n'est pas tant sa mort que sa vie qui résistent à l'histoire dominante. En effet, Boumendjel n'est pas un militant du PPA-MTLD : au contraire, il a été un militant de l'UDMA, le parti de Ferhat Abbas dont, comme celui du PCA, l'apport au mouvement national a été largement minoré. Il est issu d'une classe moyenne forgée par l'école française. De plus, après le début de la guerre d'indépendance, l'homme n'a pas été un combattant armé, mais plutôt un combattant du verbe et de la plume, un négociateur, un porte-parole, autant de fonctions qui ont également eu tendance à s'effacer derrière la glorification de la lutte armée. Pour autant, il n'a pas fait partie de l'organigramme de la Zone autonome d'Alger et son rôle est donc difficile à établir avec précision dans «l'Organisation».
Dans sa détention aux mains des parachutistes, il ne correspond pas non plus toujours aux stéréotypes que l'on attend. Un seul exemple : tous ses proches ont utilisé dans leurs témoignages la même expression: sous la torture, Boumendjel n'avait pas dit un mot. Or, il s'avère que les choses sont bien plus compliquées: Boumendjel a beaucoup parlé durant ses quarante-trois jours de détention. On sait notamment qu'il a «avoué» certaines responsabilités qui n'étaient en fait pas les siennes, mais celles de son ami avocat Amar Bentoumi. Tout se passe comme si – se sachant condamné – il avait voulu protéger son collègue demeuré libre. Les sources étayant tout ceci sont délicates à utiliser, elles obligent à un récit nuancé où les hypothèses sont nombreuses et les certitudes plus rares. En d'autres termes, on aboutit à un récit trop complexe pour satisfaire aux conditions de l'héroïsme de l'histoire dominante.
-A quel degré «la déchirure et la béance» conditionnent-elles l'héritage et l'avenir de la nation ?
Ce qui m'a frappé dans les récits qui m'ont été livrés, ce sont les deuils redoublés qu'ont subi les familles et les militants, et l'impossibilité pour chaque individu, ou chaque groupe, d'assimiler et de surmonter le deuil. C'est particulièrement frappant dans la «bataille d'Alger», mais a certainement des équivalents en d'autres lieux et d'autres temps de cette guerre. Les rituels, qui servent habituellement à faire le lien entre les vivants et les morts (les rituels d'enterrement par exemple), sont rendus impossibles par la disparition des personnes (comme dans l'affaire Maurice Audin), par présence massive de l'armée qui empêche tout rassemblement (comme dans le cas de l'inhumation d'Ali Boumendjel), ou encore par la multiplication des drames : Malika Boumendjel, la veuve d'Ali, et sa famille n'en sont qu'un exemple. Alors que son mari vient d'être assassiné, que deux de ses frères viennent d'être libérés par les parachutistes (l'un d'eux - Djamal Amrani - affreusement torturé), que deux autres frères sont encore détenus, un dernier «disparaît» aux mains des parachutistes, alors que son père est arrêté à son tour.
Lui non plus ne reviendra jamais. On pourrait multiplier les exemples de familles ainsi martyrisées, et il me semble essentiel de s'interroger sur ses deuils impossibles et leurs conséquences à la fois individuelles et collectives. Est-il possible de construire une identité collective sur l'omniprésence des martyrs depuis l'indépendance ? Et quelles ont été les modalités, notamment à l'échelle des familles de l'expérience de ces deuils ? Avec quelles conséquences ? Ces questions valent d'être posées.
-Quel a été l'accueil, critique et public, de votre ouvrage lors de sa sortie en France ? Qu'en ont pensé les proches de Boumendjel ?
L'accueil a été très discret. Les anciens militants, notamment les amis politiques de Boumendjel, et les connaisseurs de l'Algérie qui l'ont lu, ont apprécié la nuance et la complexité que le livre veut restituer. Quant à la famille Boumendjel, les réactions des uns et des autres sont de l'ordre de l'intime : certains se sont montrés très émus, d'autres silencieux, certains l'ont lu d'une traite, d'autres l'ont cheminé avec hésitation. De façon générale toutefois, la publication d'un ouvrage de cette nature est potentiellement une affaire difficile, éventuellement douloureuse pour une famille : chacun des proches pouvait en attendre beaucoup (vérité, justice, apaisement) ; la publication peut être le moment où l'on prend conscience que le livre ne réalise pas forcément tout cela (car ce n'est pas forcément son but), que l'on n'est pas d'accord avec tout, qu'il reste des zones d'ombre. C'est le moment où les divergences entre les aspirations de l'historien(ne) et celles de la famille peuvent apparaître, mais aussi où toutes la richesse de la relation entre historien(ne) et témoins se concrétise.
-Quel écho trouverait chez vous le débat en Algérie sur la «réécriture» de l'histoire de la guerre d'Indépendance ?
Il me semble que l'écriture de l'histoire est un processus continu et non pas une vérité à laquelle on parvient tout d'un coup. Les questionnements et les approches d'aujourd'hui ne sont pas ceux qui avaient cours hier, et il existe toute une littérature extrêmement riche qu'il n'est pas nécessaire de «réécrire». En revanche, les historiens poursuivent leur travail : certains thèmes demeurent mal connus, voire tabous, et d'autres façons de voir les choses apparaissent aujourd'hui : l'apparition de récits individuels sont par exemple autant de sources nouvelles pour les historiens. Mais on a encore envie d'en savoir plus sur les groupes minoritaires et les identités marginales (les udmistes et les communistes dans la guerre, la guerre algéro-algérienne entre FLN et MNA, l'algérianité dans ses composantes juive, chrétienne et/ou européenne notamment).
Ces questions qui m'interrogent aujourd'hui paraîtront certainement obsolètes d'ici quelques années. Il est évident que dans ce travail d'écriture, les historiens ne sont jamais coupés des sociétés dans lesquelles ils écrivent. Les contraintes sociales qui influent sur le discours des témoins, eux-mêmes peuvent les ressentir, être influencés par elles, ou au contraire lutter pour s'en libérer. De ce point de vue-là, la question est davantage de savoir quelle est, dans les deux sociétés, algérienne et française, la façon dont on pense l'événement et en particulier l'usage politique qui en est fait à un moment donné.


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