Saleh perd un à un ses partisans qui refusent de cautionner sa boucherie. Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, qui avait bénéficié jusqu'à présent du soutien des Etats-Unis, qui le considèrent comme un allié dans la lutte contre Al Qaîda dans la péninsule arabique, est aujourd'hui des plus isolés. Sur le terrain, la situation évolue en tout cas à son désavantage. Il se peut même que cela soit le début de la fin pour lui. Les démissions en cascade des membres de son gouvernement et de l'appareil diplomatique yéménite ont pour effet immédiat de le discréditer. Pour protester contre ce «massacre», l'ambassadeur du Yémen à Beyrouth, Fayçal Amine Abourrass, et le rédacteur en chef de l'agence officielle Saba, Nasser Taha Moustafa, ont, en effet, présenté leur démission. L'ambassadeur du Yémen à l'ONU Abdallah Al Saïdi leur a également emboîté le pas hier pour, a-t-il dit, «protester contre la mort vendredi de 52 manifestants à Sanaa». Autre élément non négligeable : la communauté internationale est sortie de sa réserve pour condamner avec fermeté ces attaques meurtrières et appeler à la cessation «immédiate» de la répression. Le président américain, Barack Obama, a ainsi demandé vendredi à son homologue yéménite d'autoriser le déroulement de manifestations pacifiques. «Les auteurs de ces violences doivent être tenus responsables», a-t-il ajouté. Dans la foulée, M. Obama s'est prononcé pour «un changement politique qui réponde aux aspirations des Yéménites», a-t-il souligné, suggérant par la même occasion que lui aussi a lâché M. Salah. Devant le mutisme des autorités, des manifestants à Sanaa ont, quant à eux, juré de poursuivre leur lutte contre Ali Abdallah Saleh traité de «boucher». Sur la place de l'Université, ils ont reçu le renfort de milliers d'enseignants venus les rejoindre en dépit de l'interdiction de se rassembler. La rue yéménite a également accusé les fils du président Saleh, qui dirigent l'essentiel de l'appareil de sécurité du régime, d'avoir commandité la répression de vendredi. A rappeler que 80 personnes ont été tuées dans les troubles au Yémen depuis le début du mouvement de contestation fin janvier. Scénario à la «libyenne» ? Dans un communiqué rendu public vendredi, l'opposition parlementaire a accusé le régime de «crimes contre l'humanité». Selon de nombreuses agences de presse, une foule immense a participé, hier, à Sanaa aux funérailles de plusieurs des 52 manifestants tués par des tirs attribués à des partisans du régime vendredi. Un fort vent de contestation, rappelle-t-on, souffle depuis plusieurs semaines sur le Yémen. Des milliers de personnes campent depuis le 21 février sur la place de l'Université à Sanaa et réclament en effet le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. Ces incidents ont été les plus sanglants depuis le début de la contestation fin janvier. Un photographe de presse, Jamal Al Charaabi, 35 ans, travaillant pour l'hebdomadaire yéménite indépendant Al Masdar, touché par les tireurs embusqués, figure parmi les morts, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ). Le président Saleh a regretté ces victimes, mais sans pour autant aller dans le sens des revendications des manifestants. Pour preuve, il a annoncé l'instauration de l'Etat d'urgence dans le pays et demandé aux manifestants d'évacuer la place de l'Université, au centre de Sanaa, symbole de leur mobilisation. S'achemine-t-on dans le cas aussi du Yémen vers un scénario à la libyenne ?