Monsieur le Président, Il y a aujourd'hui six ans et sept jours que notre jeune compatriote Salah Hamouri (25 ans) est incarcéré en Israël dans les sinistres geôles de Guilboa, condamné qu'il a été à sept ans de prison pour être passé en voiture devant le domicile du rabbin Ovadia Yossef, un des piliers de l'extrême droite intégriste israélienne – le parti Shass – et sur la seule base d'une supposée «intention» de commettre un attentat contre ce personnage, et en aucun cas de faits dûment établis – ils n'ont jamais pu l'être, et pour cause. - Six ans, cela même alors qu'il n'a commis aucun acte délictueux. Six ans alors que, comme l'a reconnu, en juin dernier, devant sa mère Mme Denise Hamouri votre conseiller diplomatique Jean-David Levitte, son emprisonnement relève de l'«arbitraire». - Six ans alors que, selon ce dernier, vous accordez une attention identique à Guilad Shalit et à Salah Hamouri : une attention identique peut-elle se traduire par les deux poids, deux mesures ? - Six ans, cela fait six ans qu'un Français est en prison en Israël pour des raisons politiques, et uniquement politiques. Y a-t-il beaucoup de Français dans ce cas dans le monde ? Et depuis six ans, vous n'avez pas daigné une seule fois recevoir sa mère, Denise Hamouri, alors même que vous avez reçu maintes fois toutes les familles ou proches d'autres compatriotes en difficulté hors des frontières de notre République. Vous êtes de même intervenu publiquement à propos de procédures judiciaires ou de jugements rendus par d'autres pays souverains : pour ne retenir que le cas le plus récent, vous vous êtes exprimé sur la justice mexicaine concernant le cas de Florence Cassez, et ce n'est pas moins de dix fois que vous avez reçu personnellement sa famille. Or, vous n'êtes peut-être pas sans savoir que Mme Denise Hamouri sera en France les 22, 23 et 24 avril prochain. Il n'est, à mon sens, pas imaginable que vous ne la receviez pas – je me permets de considérer que nombre de citoyens français informés de ce douloureux cas pensent de même. Je suis de ceux qui sont atterrés que Salah continue à être emprisonné, de ceux qui s'engagent à leur modeste niveau et avec leurs modestes moyens pour sa libération, pour que cette famille ne subisse pas, en plus de sa douleur, une humiliation supplémentaire de la part du chef de l'Etat de notre République. Je vous prie donc instamment de bien vouloir recevoir personnellement Mme Denise Hamouri. Monsieur le Président, je me permets aussi de requérir de votre sens politique et de votre bienveillance réunis d'exiger des autorités israéliennes la libération de Salah, tant je vous imagine en avoir les moyens : il a déjà purgé près des 9/10es de sa peine, et les autorités militaires israéliennes ont refusé une libération anticipée au motif allégué que le fait qu'il se refuse à exprimer des «regrets» est l'indice d'un comportement à risques, une fois qu'il aura franchi les verrous. Vous paraît-il imaginable, Monsieur le Président, qu'un jeune qui refuse l'occupation du pays qui l'a vu naître s'excuse d'être engagé contre cette occupation israélienne si largement condamnée de par le monde ? C'est en particulier la colonisation de Jérusalem-Est où il habite avec sa famille qui le touche de près et qui le révulse. Votre attitude me paraît, à titre citoyen, peu compréhensible s'agissant de Salah Hamouri. C'est le seul cas qui ne vous mobilise pas alors que, c'est bien connu, vous avez propension à vous mobiliser démonstrativement en tant d'autres occasions. Serait-ce que la politique – votre politique – a des raisons que la raison et le cœur ne connaissent pas ? N'ajoutez pas, je vous en conjure, un arbitraire supplémentaire émané du pouvoir d'Etat français à l'arbitraire et à l'injustice dont il est victime de la part du pouvoir d'Etat israélien. Avec ma foi, que j'espère fondée, en votre capacité de compréhension, veuillez croire, Monsieur le Président, à mon meilleur compliment.
G. M. : Professeur émérite, université de Nancy II