Les témoignages des étrangers revenant de Zouara, ville située à une quarantaine de kilomètres de la frontière tunisienne, font état de violents bombardements durant deux jours. «Nous étions terrorisés. Les chars de l'armée ont bombardé pendant plus de 24 heures. De nombreux quartiers ont été carrément rasés. Mes filles tremblaient, elles étaient paralysées sous le lit. Nous n'avons pas pu manger depuis deux jours. Lorsque les coups de canon se sont tus, j'ai pris mes trois filles et j'ai quitté la ville. J'ai dû passer par une centaine de barrages. Dieu merci, je suis arrivée avec mes enfants vivants. Je sais qu'il y a eu beaucoup de morts, ma voisine a perdu toute sa famille, au moins une dizaine de personnes. C'est horrible…», raconte une Egyptienne, qui porte un bébé et deux enfants en bas âge dans les bras. Elle n'a ramené que les affaires scolaires de ses mômes et quelques habits. «Je ne peux plus retourner là-bas. J'y ai vécu pendant 5 ans avec mon mari, un professeur à l'université, mais je ne peux plus y retourner. Trop de mauvais souvenirs hantent ma famille et surtout mes petites filles», précise-t-elle. Les mêmes propos sont tenus par un Malien qui vient de franchir la frontière. «La ville est comme un champ de bataille. De nombreuses maisons ont été rasées à coups de chars. Je me suis caché dans une cave pendant une semaine. C'est un ami libyen qui m'a aidé à fuir. J'avais très peur. Les personnes de couleur sont devenues des cibles des deux camps. La rue de Zouara n'est plus sûre…», dit-il. Au moment où il faisait état de son témoignage, de fortes détonations brisaient le silence. «Vous voyez, ils ont repris les bombardements, heureusement que je suis parti…», lance-t-il paniqué. Le bruit assourdissant des explosions suscite de l'inquiétude chez les Tunisiens et un sentiment de soulagement chez les réfugiés venant de Zouara. A Zaouïa, les forces d'El Gueddafi semblent contrôler la situation, mais dans certains quartiers, les échanges de coups de feu entre les belligérants sont quotidiens. «Nous ne pouvons plus vivre dans ce climat de tension. Tous les soirs, nous dormons sous le son des déflagrations et des rafales. Les barrages dressés par des militaires et des civils sont partout. Les braquages à mains armées sont devenus légion. Il n'y a pas d'endroit sûr, et personne n'a où aller se plaindre. De Zaouïa à la frontière, je suis passé par plus d'une centaine de barrages. Ils fouillent tout, et je n'ai pas le droit de dire un mot. C'est l'enfer», souligne un Soudanais, la voix entrecoupée de sanglots. Avec lui, son épouse et un bébé, il psalmodie quelques versets du Coran, en signe de remerciements à Dieu pour l'avoir «sauvé d'une mort certaine».