Même si le gouvernement a déjà assuré qu'il n'est pas question de le retirer, le nouveau projet de loi relatif à la commune n'a aucune chance d'être adopté dans sa mouture initiale. D'ailleurs certains présidents d'Assemblée populaire communale (PAPC) considèrent d'ores et déjà qu'il sera «remis au calendes grecques». Et pour cause, la présentation du texte au niveau de l'Assemblée populaire nationale (APN) a donné lieu à la formulation de 242 amendements de la part des députés, soit «plus que le nombre d'articles contenus dans le projet lui-même et qui sont au nombre de 225», a remarqué M. Meziane, P/APC d'El Achour, dans une déclaration à El Watan Economie. Cela est synonyme d'un «rejet total» qui rend son retrait «possible». L'expérience en Algérie a déjà montré que le retour sur une décision ou un texte de loi est tout à fait faisable. Mais au lieu de spéculer sur l'avenir de ce projet de loi, les maires et les députés, qui l'ont débattu, mettent en avant ses insuffisances. Pour M. Meziane, ce nouveau texte est «pratiquement le même que l'ancien» incarné par la loi 90-08 du 7 avril 1990 relative à la commune. Simplement, le gouvernement «a voulu apporter une certaine stabilité au niveau de l'assemblée. Mais les vrais problèmes auxquels les communes font face restent toujours posés». Abdelyamine Boudaoud, député et professeur à l'université d'Alger, note que là où le nouveau projet pèche c'est dans la nature des prérogatives qui sont accordées aux P/APC. «Il y a un manque flagrant d'indépendance dans la prise de décisions. C'est le wali qui les prend. Le P/APC est cantonné à gérer l'état civil et n'a même pas le droit d'assurer la distribution des logements sociaux dans sa commune, alors qu'il est pourtant plus proche des citoyens qui y vivent que ne l'est le wali».
Ni immunité ni dépénalisation d'acte de gestion Le texte présenté par le département de Daho Ould Kablia centralise certaines décisions relatives aux communes au niveau du wali auquel sont adressées obligatoirement les registres des délibérations relatives aux affaires de la commune (art 55). L'article 60 par exemple soumet l'exécution des budgets et des dépenses des communes, ainsi que le plan de gestion des effectifs à l'approbation du wali. Il en est de même pour l'exécution des arrêtés pris par le maire dans le cadre de ses attributions. Si pour certains P/APC, cette manière de faire ne pose pas problème tant que «l'intérêt» du citoyen restera le centre des préoccupations, d'autres y voient une restriction claire de leur indépendance au moment où leur responsabilité civile et pénale est engagée dans le cadre de l'exercice de leur fonction. L'implication de certains élus locaux dans des affaire de corruption, de détournement ou de dilapidation de deniers publics peut expliquer en partie qu'ils soient dans le collimateur, seulement force est de constater que ce type de pratique n'épargne aucun segment de l'Etat. Du coup, pour M. Meziane, ce n'est pas tant «le contenu du code qui nous gène, mais plutôt le manque de volonté politique et l'absence d'une vision claire sur ce que les autorités veulent faire». Aujourd'hui, ajoute-t-il, «il y a un climat de suspicion générale» qui règne dans le pays, mais il ne faut pas oublier «qu'il y a aussi des gens honnêtes qui ont juste besoin qu'on les protège et qu'on les laisse travailler». Certains P/APC demandent ainsi la dépénalisation des actes de gestion à l'instar de ce qui vient d'être décidé pour le secteur économique et vont même jusqu'à réclamer l'immunité. Le casse-tête financier Mais au-delà de la question des prérogatives et de la décentralisation, l'un des problèmes majeurs des communes demeure celui des ressources financières limitées. L'année dernière, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a affirmé que les communes devraient pouvoir assurer leurs propres revenus, mais c'est loin d'être chose facile. «Beaucoup de communes ne sont pas économiquement viables», nous dit Meziane Chebrek, conseiller fiscal, spécialiste de la fiscalité des communes. Pourtant les communes bénéficient de nombreuses rentrées fiscales à travers une partie des impôts proportionnels (à taux fixe) comme la TVA, l'IBS et des impôts qu'on appelle progressifs appliqués selon des barèmes comme l'IRG, impôts sur la fortune, droit de succession et droit d'enregistrement. Environ «15% des recettes fiscales de l'Etat sont reversées aux communes», nous explique un commissaire aux comptes. En outre, il y a également des impôts qui vont directement aux APC comme la taxe d'habitation, la taxe foncière, la taxe sur l'activité professionnelle et la taxe d'assainissement. Cela sans compter les subventions (dont 80% servent à régler les salaires des personnels), les dons ou encore les ressources devant être alloués par le fonds commun des collectivités locales (FCCL) pour les communes les plus démunies. Seulement, le problème des subventions et des dotations d'ordre sociale c'est qu'elle sont «spécialisées, c'est-à-dire greffées de tout autre affectation», explique M. Chebrek. «Au bout d'une année, si l'argent n'est pas consommé, l'APC doit demander l'aval de l'organisme donateur pour changer l'affectation de ces ressources». Quant aux recette fiscales, les P/APC évoquent un problème de recouvrement et parfois même «d'ignorance» vis-à-vis de ce qui est normalement dû à la commune. Les pouvoirs publics ont bien évoqué une refonte de la fiscalité locale, mais le nouveau code n'en fait pas mention. Pour M. Chebrek, il s'agit «d'un manque de volonté politique» pour mener cette réforme. Le nouveau projet de loi autorise en revanche la commune à avoir recours aux emprunts en cas de besoin. Mais pour diversifier leurs ressources, les communes doivent aujourd'hui «créer des unités économiques puisque le budget des communes prend en compte ce type de dépenses ou bien faire revivre les anciennes entreprises communales», préconise notre interlocuteur.