Et si le Conseil national économique et social (CNES) endossait le rôle original de médiateur ou, plus prosaïquement, de pompier de la République ? A la lecture du communiqué qui a sanctionné la réunion «extraordinaire» de l'institution de Mohamed Seghir Babès, il ne fait pas l'ombre d'un doute que le CNES est appelé à se libérer du carcan peu glorieux d'appendice du pouvoir dans lequel il a été confiné jusque-là. Peu audible sur les débats qui agitent la société et qui relèvent pourtant de son champ d'intervention, le CNES est expressément invité à mettre les pieds dans le plat pour sauver un pays à la dérive au triple plan économique, social et politique. La tonalité du communiqué ayant sanctionné cette réunion tranche radicalement avec le ton monocorde des précédents. On n'est plus dans les appréciations triomphalistes et des adjectifs ronflants sur les «performances» supposées des politiques publiques. Il est cette fois clair, dans le texte, que le CNES est instruit de rompre avec le politiquement correct pour servir de catalyseur à une approche objective et décisive de la situation globale du pays. L'objectif étant de prémunir le pays contre une rupture systémique aux conséquences dramatiques. Bien que l'institution soit directement rattachée à la présidence de la République, la mission du CNES pourrait avoir fait consensus parmi les décideurs civils et militaires. Le communiqué souligne qu'il y a «nécessité de rehausser les conditions et modalités d'exercice du mandat légal du CNES en vue d'un redéploiement à l'optimum de ses capacités d'être et d'agir comme assemblée consultative nationale». Un pompier pour éteindre le feu Cette entrée en matière du Conseil de M. S. Babès confirme on ne peut mieux la réorientation de son champ d'intervention pour être au diapason des attentes et aux avant-postes de la République pour une transition pacifique. Ce qu'il convient d'appeler un plan de sortie de crise, tel que décliné dans ce communiqué par le CNES, confirme un peu la déclaration du chef du FLN selon laquelle «le changement viendra des institutions et non pas de la rue». Faut-il penser que le CNES est précisément l'institution choisie pour piloter et amorcer le changement? Possible, d'autant plus que le CNES jouit tout de même d'une respectabilité due au panel d'experts qui le compose. En revanche, le gouvernement, qui fait face à un grondement de la rue et à un flot de scandales de corruption, paraît totalement discrédité. De même que des personnages comme Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem, Abdelkader Bensalah ou Abdelaziz Ziari sont populairement usés du fait qu'ils symbolisent non pas le changement, mais l'immobilisme. Mohamed Seghir Babès, lui, est d'un tout autre pedigree du fait surtout qu'il ne soit pas mêlé à la gestion des affaires. Démocratie participative Le CNES pourrait donc servir de soupape de sécurité pour canaliser les mouvements sociaux et les transformer, pourquoi pas, en carburant démocratique pour une nouvelle Algérie. Pour ce faire, le communiqué du CNES évoque la promotion d'une «démocratie participative» par le moyen du «dialogue civil». Il sera question d'ouvrir des «plateformes ad hoc propres à autoriser l'entame d'une réflexion collective de premier ordre et largement inclusive de toutes les parties prenantes représentatives de la société civile». En clair, le CNES est chargé d'écouter la société civile algérienne dans toutes ses composantes et ses contradictions et d'ordonnancer ses attentes. Ce format de débat devrait déboucher sur des «états généraux de la société civile» de type «sommet civil». Tenu sans doute par l'urgence, le CNES compte organiser ses consultations «à une échéance la plus rapprochée possible». Son président va d'ailleurs procéder «dans les tout prochains jours» à l'installation d'un comité ad hoc chargé du pilotage et du suivi de l'ensemble de ce processus. Le bureau du CNES glisse subtilement que cette soudaine mobilisation s'inscrit «délibérément dans une perspective plus ample susceptible d'être actée ultérieurement sous l'empire d'un ordonnancement constitutionnel rénové». En d'autres termes, il s'agit bien de la révision de la Constitution qui devrait garantir à l'Algérie une «transition systémique non cataclysmique».