La pénalisation de l'acte de gestion est une «aberration» qui «n'a pas lieu d'être», ont relevé les participants à la conférence-débat organisée, hier, au centre de presse d'El Moudjahid. «La pénalisation de l'acte de gestion a servi de paravent à la lutte contre la corruption. Comme elle a servi de répression politique contre les cadres gestionnaires», résume maître Miloud Brahimi, précisant que l'Algérie dispose d'un arsenal juridique «suffisant» qui ne nécessite pas le maintien de la pénalisation de l'acte de gestion. Les hautes autorités du pays ont décrété la pénalisation de l'acte de gestion dans le cadre d'une démarche «politique», souligne encore l'ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme. «C'est pour avoir l'emprise sur les cadres gestionnaires des entreprises publiques afin de les jeter en prison à travers des campagnes politique et politiciennes», dit-il, en citant les différentes campagnes d'incarcération de dirigeants d'entreprises publiques. Il s'agit, entre autres, de l'affaire de la Cour des comptes destinée, selon lui, à «déboumedieniser le système» durant les années 1980 et celle de Cosider en 1997. «On demande à nos magistrats de gérer l'ingérable», s'indigne Me Miloud, en indiquant que «dans les affaires de gestion, il y a souvent des boucs émissaires». Pour sa part, l'avocat Habib Zerhouni affirme que le vrai problème dans les affaires liées à la gestion est l'interférence des pouvoirs. Il réclame que le pouvoir politique cesse d'interférer dans le pouvoir judiciaire. Affirmant qu'il y a eu des «dérives» de la part de la justice algérienne, il cite le cas de Ali Koudil, l'ex-PDG de la CNAN, condamné en compagnie d'autres cadres, selon lui, sans aucun fondement avant d'être blanchis après 6 ans de détention. Maître Zerhouni plaide pour la mise en place d'un personnel spécialisé dans toutes les branches financières et économiques auprès des parquets à même de porter assistance aux magistrats. De son côté, l'avocat Rachid Ouali considère que la criminalisation de l'acte de gestion est une «dérive du politique qui n'a pas lieu d'être», laquelle dérive a broyé des cadres «honnêtes et innocents». Il s'étonne que ce soit le DRS qui mène parfois des enquêtes. «Vous imaginez la CIA ou la DGSE enquêter dans des affaires liées aux actes de gestion ! Nous avons la police, la gendarmerie et le parquet. Il ne faut pas aller plus loin», prévient-il. Il déplore que certaines «dispositions» continuent à porter atteinte à «la réputation» des cadres d'entreprise. A ce titre, Me Ouali s'offusque que le législateur astreint des managers publics, avant leur installation, à signer des déclarations de probité ou sur l'honneur. «C'est déjà remettre en cause la probité des cadres. Ceci implique que tous les gestionnaires sont malhonnêtes», déplore cet avocat. Début février, le président Bouteflika a annoncé la dépénalisation de l'acte de gestion, lors du dernier Conseil des ministres. A cet effet, un projet de loi est en cours d'élaboration. Pour Miloud Brahimi, ceci est révélateur des visées «politiques» des autorités à travers la pénalisation de l'acte de gestion.